Delphine Horvilleur, une femme rabbin à l’avant-garde

 Delphine Horvilleur, une femme rabbin à l’avant-garde

Crédit photo : Joël Saget / AFP


Cette Française de 43 ans bouscule tous les acquis patriarcaux. Sans agressivité, habitée par une grande détermination, elle combat sans relâche les limites imposées aux femmes dans le monde religieux, et pousse les fondamentalistes dans leurs étroits retranchements Dans son sillage, le féminin prend sa place. 


Ce qui frappe lorsqu’on rencontre pour la première fois Delphine Horvilleur, ce n’est pas sa grande connaissance de la théologie ni son regard profond. C’est le calme, le temps et l’importance qu’elle met dans l’action de poser les mots les plus justes sur sa réflexion. La manière dont cette femme rabbin de 43 ans entame, comme un moment d’indispensable diplomatie et de cheminement commun, le dialogue avec l’autre.


Originaire de Nancy, Rabbi Horvilleur, qui officie ­depuis dix ans au sein du Mouvement juif libéral de France, entreprend des études de médecine à Jérusalem en 1992. Elle débarque dans la ville sainte, un bac scientifique en poche, portée par les accords d’Oslo, signés quelques mois plus tard et donnant lieu à une poignée de main historique entre le président de l’Organisation de libération de la Palestine Yasser Arafat et le Premier ministre israélien Yitzhak Rabin.


 


Parenthèse américaine


En 1995, Rabin est assassiné. Les espoirs s’effondrent. Entre ici et là-bas, Delphine Horvilleur comprend que la médecine et la recherche ne sont pas pour elle. Elle a besoin de se nourrir du monde extérieur. Elle entre alors à l’école de journalisme du Celsa, à Paris, et effectue son stage au bureau de France 2 à Jérusalem. Le jour de son arrivée coïncide avec le début de la seconde Intifada. Mais le journalisme n’est pas non plus son moteur. Elle se cherche.


Passionnée par les textes sacrés, elle tente de franchir les obstacles traditionnels, afin d’accéder à l’érudition en France. En vain. C’est aux Etats-Unis que ces entraves seront levées. Là-bas, l’Hebrew Union College lui ouvre grand ses portes. Elle y étudie cinq années et y reçoit son ordination rabbinique en 2008.


Au grand dam de la communauté juive new-yorkaise, Rabbi Horvilleur décide de rentrer dans l’Hexagone. Son intuition lui souffle que c’est ici qu’elle sera le plus utile. Elle intègre le Mouvement juif libéral et officie aujourd’hui aux côtés de Yann Boissière et de Floriane Chinsky, une autre femme rabbin. Ensemble, ils forment une équipe éclectique et révolutionnaire dans le milieu juif français, où les femmes se font difficilement leur place.


 


Auteure de plusieurs ouvrages


Mariée à Ariel Weil, devenu maire du IVarrondissement de Paris en novembre 2017, et mère de trois enfants, Delphine Horvilleur rayonne. Dans les médias, dans les différentes communautés, elle imprime la marque de son existence, rend irréversible l’avancée vers l’égalité et l’acceptation des femmes dans l’érudition. Elle prône la liberté d’interprétation des textes (lire l’encadré page 33), leur sacralité par cette infinité de sens possibles. En 2013, elle publie En tenue d’Eve. Féminin, pudeur et judaïsme, puis, en 2015, Comment les rabbins font les enfants.


Passionnée et passionnante, Delphine Horvilleur se positionne. En juillet 2017, par le biais d’une public­a­tion dans la revue Tenou’a qu’elle dirige, le rabbin condamne la décision du Premier ministre israélien d’abandonner la création d’un espace de prière égalitaire et mixte au Mur des lamentations. Sans ­relâche, elle questionne la place du féminin dans nos modèles religieux, empreints de traditionalisme patriarcal.


En 2016, la ministre de l’Education nationale Najat ­Vallaud-Belkacem l’élève au rang de chevalier de la ­Légion d’honneur. Sans conteste, Rabbi Horvilleur a trouvé sa place : à l’avant-garde du combat féministe. 


 


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