La justice française refuse d’extrader Belhassen Trabelsi vers Tunis

Belhassen Trabelsi, méconnaissable suite à sa perte de poids
Tunis est face à un nouvel échec judiciaire. La cour d’appel d’Aix-en-Provence a encore une fois rejeté mercredi la demande d’extradition formulée par la Tunisie à l’encontre de Belhassen Trabelsi, beau-frère emblématique de l’ancien président Zine el-Abidine Ben Ali.
Réfugié en France depuis 2016, l’homme d’affaires et chef du clan Trabelsi est poursuivi par la justice tunisienne pour corruption, blanchiment d’argent et détournement de fonds publics. Cette décision, relativement attendue à Tunis, sonne comme un nouvel épisode d’une longue bataille judiciaire entre les autorités tunisiennes et l’un des symboles les plus honnis de l’ancien régime.
Après avoir considéré en janvier 2021, qu’il existait « un risque réel de traitement inhumain et dégradant pour Belhassen Trabelsi et de carences des contrôles en cas de mauvais traitement en détention », la justice française a invoqué hier de nouvelles raisons à son veto.
Une demande rejetée au nom des droits fondamentaux
Selon la décision rendue publique, la justice française a cette fois estimé que l’extradition de Belhassen Trabelsi comportait un risque d’atteinte à ses droits fondamentaux, en raison notamment des « garanties insuffisantes » offertes par les autorités tunisiennes quant aux conditions de détention et à l’impartialité des futurs procès. Les juges ont ainsi invoqué les articles de la Convention européenne des droits de l’homme relatifs à la prévention de traitements inhumains ou dégradants.
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L’un des avocats de Trabelsi a salué « une victoire du droit et des valeurs européennes », tandis que la partie tunisienne, représentée par l’État via une demande officielle transmise en 2019, n’a pas encore réagi officiellement. Cette décision est néanmoins déjà perçue à Tunis comme un nouveau revers diplomatique et judiciaire, après d’autres échecs similaires dans les dossiers d’extradition de figures de l’ancien régime.
Le parcours mouvementé d’un exilé controversé
Âgé de 59 ans, Belhassen Trabelsi avait fui la Tunisie en janvier 2011, au lendemain de la chute du régime Ben Ali. Après un passage au Canada, il s’était réfugié en France, où il a vécu plusieurs années dans la discrétion. Arrêté en 2019 à Marseille (il était installé à Nice sous une fausse identité), il avait été placé sous contrôle judiciaire en attendant la décision relative à son extradition.
En Tunisie, il est visé par plus d’une dizaine d’affaires, liées à des soupçons de détournement de fonds publics, de blanchiment d’argent et d’enrichissement illicite. Plusieurs peines ont été prononcées par contumace depuis 2012, dont certaines très lourdes, portant sur plusieurs décennies de prison.
Une coopération judiciaire au point mort
La décision de la cour d’Aix-en-Provence confirme les difficultés chroniques rencontrées par Tunis pour obtenir la coopération de ses partenaires occidentaux sur ces dossiers sensibles. Depuis 2011, aucune figure majeure du clan Ben Ali réfugiée à l’étranger n’a été extradée vers la Tunisie, en dépit des mandats internationaux émis et des promesses politiques récurrentes. Autre symbole du clan Trabelsi, Imed Trabelsi croupit en prison depuis les évènements de la révolution de 2011.
Les observateurs y voient un double échec : d’un côté, la lenteur de la justice tunisienne et l’absence de réformes profondes dans le système pénitentiaire ; de l’autre, la méfiance persistante des juridictions européennes, qui doutent des garanties de procès équitable et des conditions de détention.
Au-delà de son cas personnel, le dossier Trabelsi illustre la difficulté de la Tunisie à solder l’héritage de l’ancien régime. Quatorze ans après la révolution, la quête de justice pour les affaires de corruption et de détournement demeure inachevée. Pour de nombreux Tunisiens, cette décision française nourrit un sentiment d’injustice : celui d’un exil doré qui se prolonge pour l’une des figures les plus emblématiques du système Ben Ali, alors que la crise économique et sociale actuelle ravive les plaies du passé.
