La Libye suspend les activités de Huawei sur son territoire

 La Libye suspend les activités de Huawei sur son territoire

Lors des inondations de Derna en septembre 2023 qui avaient fait 40 mille déplacés, Huawei s’était prévalu d’y avoir rétabli la couverture internet et télécommunications en un temps record

La décision est tombée ce week-end à Tripoli : l’Autorité générale des communications et de l’informatique (GAI) a annoncé la suspension immédiate de toutes les activités de l’entreprise chinoise Huawei en Libye. Décryptage.

Cette mesure radicale, expliquée dans un communiqué officiel, est présentée comme étant un impératif nécessaire et motivé par la « protection la sécurité nationale, la souveraineté de l’État ainsi que le respect des lois locales et internationales ».

Selon l’organisme public, Huawei aurait mené ses opérations en dehors du cadre légal libyen, notamment en signant des contrats considérés comme « non autorisés » avec des entités locales. La GAI estime que ces démarches représentent une atteinte directe aux intérêts du pays et une violation de la réglementation nationale en matière de télécommunications.

Le communiqué met également en avant l’incompatibilité des activités de l’entreprise avec la loi libyenne n° 22 de 2010, qui confère à l’Autorité l’exclusivité de la délivrance des licences et des autorisations dans le secteur. Huawei est ainsi accusé d’avoir contourné ces règles, en agissant en dehors de toute validation officielle.

Mais au-delà du droit national, Tripoli invoque aussi des manquements aux engagements internationaux. La GAI reproche au groupe chinois d’avoir enfreint les principes fondamentaux de l’Union internationale des télécommunications (UIT), dont la Libye est membre, et de s’être soustrait aux standards internationaux imposant aux sociétés étrangères le respect strict des lois locales. L’affaire est donc également présentée comme une violation des usages commerciaux internationaux, qui proscrivent la conclusion de contrats hors des cadres légaux ou réglementaires.

 

Gel sine die des activités du géant chinois

Face à ces constats, l’Autorité libyenne a décidé de geler « toutes les activités de Huawei à l’intérieur du pays, avec effet immédiat », et a demandé à ce que toute interaction avec l’entreprise soit suspendue jusqu’à nouvel ordre. Elle avertit en outre que tout contrat conclu avec des parties extérieures au cadre légal libyen sera considéré nul et non avenu.

Cette suspension illustre la volonté de Tripoli de reprendre la main sur un secteur stratégique, au cœur des enjeux de souveraineté et de sécurité nationale. Elle s’inscrit aussi dans un contexte international tendu, où Huawei est régulièrement accusée de pratiques opaques et de proximité avec Pékin, suscitant la méfiance de nombreux gouvernements y compris s’agissant du déploiement de l’infrastructure 5G dans laquelle le chinois a très peu de compétition hormis les scandinaves Ericsson et Nokia généralement plus onéreux.

En Libye, les autorités envoient en somme un signal fort qui contraste avec la latitude dont bénéficie Huawei à titre d’exemple en Tunisie. Lors du Huawei ICT Summit 2023, organisé à Tunis en mai 2023, le gouvernement tunisien avait présenté une stratégie nationale pour le développement de la 5G. Huawei s’était alors positionné comme partenaire exclusif pour la généralisation de cette technologie, notamment dans les zones rurales et pour la digitalisation industrielle aux usages « B2B ». Le ministre Nizar Ben Néji y avait souligné l’importance d’un dialogue permanent entre gouvernement, régulateurs, opérateurs et équipementiers pour réussir ce déploiement.

En 2019, en pleines tensions commerciales avec Pékin, le président Trump avait lors de son premier mandat signé un décret qui exclut le groupe chinois, qu’il suspecte d’espionnage, du marché américain des télécoms.

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