« La Maison des rêves » de Nora Hamadi : fragments d’une mémoire collective

 « La Maison des rêves » de Nora Hamadi : fragments d’une mémoire collective

Nora Hamadi présente son premier livre La Maison des rêves, hommage aux quartiers populaires et à la mémoire collective, le vendredi 19 septembre 2025 à 20 h, à la librairie Le Genre Urbain, à Belleville.

Parfois, un bouquin, c’est plus qu’un livre. Ça devient une archive vivante, un miroir pour toute une génération. La Maison des rêves, c’est ça. C’est le premier récit de la journaliste Nora Hamadi, qu’on a longtemps vue sur Arte et qu’on entend aujourd’hui sur France Inter. Il sort le 17 septembre 2025 chez Flammarion. Et elle viendra en parler en vrai, le vendredi 19 septembre, à 20 h, à la librairie Le Genre Urbain, à Belleville.

Nora, elle a grandi à Longjumeau, dans l’Essonne. Une gamine des années 80, 90. Dans la cité de la Rocade, Nora a connu le monde dans un souplex trop petit pour contenir ses rêves. Une grand-mère kabyle qui ouvrait sa porte à tout le quartier, un grand-père ouvrier et ancien soldat, des parents militants qui parlaient de justice sociale comme d’autres parlent de météo.

Autour d’elle, des assos, des animateurs, des voisins qui se serraient les coudes. Elle a découvert la scène avec des pièces de théâtre bricolées, elle a appris la cuisine dans des ateliers de quartier, elle s’est éclatée à la piscine, elle a dansé dans des fêtes, elle a même écouté Mozart dans un local tout pourri. Tout ça, c’était leur « Maison des rêves ». Un endroit qui donnait de l’air, des possibles. Aujourd’hui, ce lieu a disparu.

Son livre, c’est du vrai, pas de la déco. Elle raconte les petits bouts de vie qui, mis bout à bout, font toute une époque : les 45 minutes de marche pour aller au centre commercial en grattant les pièces au fond des poches ; le vacarme incessant des avions d’Orly qui recouvrait les discussions ; les voisins qui partageaient leur café et leurs chaises comme si c’était normal ; les portes toujours ouvertes dans ces familles immigrées où tout le monde trouvait une place.

>> A lire aussi : « Quatre jours sans ma mère » de Ramsès Kefi : Un roman qui répare les silences

Il y a deux faces dans son récit. D’abord la lumière : la fraternité au pied des tours, le sport, la culture, la musique, l’espoir qui circulait malgré la galère. Puis la claque : des années plus tard, Nora revient. Et là, les souvenirs se cognent à la réalité. Les passages murés, les locaux fermés, les piscines qui n’existent plus, le RER qui ne s’arrête plus, les ascenseurs qui tombent en rade, et les habitants partis ailleurs. La Maison des rêves, enterrée sous le béton et l’oubli.

Et entre-temps, la rage. Depuis Zyed et Bouna, morts en 2005, combien de prénoms rajoutés à la liste ? Moushin, Laramy, Adama, Nahel… Toujours des mômes de nos quartiers. Toujours les mêmes histoires. Et en face, un pouvoir qui ne promet plus rien, qui répète juste « ordre, ordre, ordre ». Nora le dit clairement : on a remplacé les promesses par la répression.

Mais ce livre, ce n’est pas juste une lamentation. C’est un hommage. Aux darons, aux daronnes, à ceux qui ont bossé comme des fous, à ceux qui ont tenu les murs et transmis la dignité. C’est une manière de dire : si les assos crèvent, si la solidarité se casse la gueule, il restera quoi aux jeunes ? Les barreaux ? Les tombes ?

Lire La Maison des rêves, c’est retrouver nos enfances, revoir nos parents, sentir la force d’une communauté qui se bat, même quand personne ne la regarde. Ce n’est pas seulement l’histoire de Nora. C’est la nôtre.

>> A lire aussi : Rentrée littéraire. Au bout du téléphone, les mots qu’on ne dit pas…