Amina El Abed, une enfant du siècle

 Amina El Abed, une enfant du siècle

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Audacieuse, touche-à-tout, en quête de résultats quasi immédiats, la nouvelle génération n’hésite pas à traverser les continents pour construire son destin.


En mai, en Jordanie, le World Economic Forum MENA (1) touche à sa fin. Depuis son estrade, une jeune Tunisienne orchestre avec énergie une session sur le thème de la radicalisation. La qualité des échanges et de l’auditoire est là. Ce sera l’un des moments forts de la vie d’Amina El Abed, “global shaper” (2) de 28 ans.


Née dans le Sud de la Tunisie, d’une famille originaire de Naftah, Amina a passé son enfance à parcourir le pays. Pour ses études supérieures, la jeune femme choisit l’ingénierie électronique, qui la mène deux ans à Hong Kong. Quand elle rentre à Tunis, la révolution arabe éclate. Sa famille est ballottée par les événements, mais elle se souvient de sa communion avec le pays : “On était heureux. Je comprenais parfaitement ce qui se passait, car j’étais jeune. J’avais les mêmes problèmes que tous les autres jeunes.”


 


A 23 ans, elle devient la plus jeune manager du groupe


Puis, elle étudie l’administration des affaires à Tunis et commence sa carrière chez Poulina, un grand groupe industriel tunisien. Envoyée en Chine, Amina devient à 23 ans la plus jeune manager du groupe. Un challenge qui est loin de l’effrayer. A son retour, elle découvre l’univers de la communication, qui lui sied à merveille. Elle intègre l’agence internationale McCann et se rend compte “qu’en Tunisie, il n’y a pas vraiment de gens spécialisés dans la communication gouvernementale ni dans la stratégie”. Alors elle se forme sur le tas, monte son entreprise et remporte un appel à projet du British Council (3) en lien avec le gouvernement tunisien. En 2016, ce dernier s’intéresse à la prévention de l’extrémisme violent. Amina El Abed travaille alors sur le projet Obroz. “La cible était des zones exportatrices de terroristes. On allait voir des organisations qui travaillaient sur le local et on leur donnait des outils pour avoir plus d’impact. On préconisait un discours alternatif, de dire à ces jeunes qu’ils ont leur chance, pour qu’ils n’aient pas à passer de l’autre côté.” Elle créera également la campagne “Ala Khatrek Tounsi” (“Parce que tu es Tunisien”), mettant en scène des héros du quotidien.


 


Un master en diplomatie à Birmingham


Après trois années professionnelles intenses, la jeune femme s’offre une pause. Elle envoie sa candidature à l’une des bourses universitaires les plus difficiles à obtenir, la bourse anglaise Chevening, qu’elle décroche. En septembre dernier, elle démarre en même temps un master en diplomatie à Birmingham. “Le prestige de cette bourse était important dans mon choix de me rendre au Royaume-Uni, car ça permet de faire partie d’un gros réseau”, explique la jeune Tunisienne. Toutefois, ce qui la motive, c’est le terrain, l’action. Elle organise donc son emploi du temps d’étudiante pour pouvoir, en parallèle, donner des conférences ou travailler comme consultante en stratégie de communication.


A l’issue de son master, Amina envisage de lancer un projet totalement différent, entre l’Angleterre et la Tunisie, lié à la cosmétique. “Je trouve que la Tunisie, il faut y être maintenant. Ce n’est pas facile et, parfois, c’est vraiment tentant de partir. Mais il faut tenir bon, notamment tous les jeunes de ma génération. C’est le moment où le pays a besoin de nous. Il faut bâtir pour l’avenir.” 


(1) Le Forum économique mondial pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord.


(2) Au sein du Forum économique mondial, il s’agit de la communauté des jeunes de 20 à 30 ans, identifiés comme ayant un grand potentiel pour jouer un rôle dans l’avenir de la société.


(3) Institution culturelle en charge de promouvoir la langue anglaise.


La suite de la Série Société : London Calling


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MAGAZINE SEPTEMBRE 2017

Caroline Diene