L’audace africaine de gouverner l’intelligence artificielle

 L’audace africaine de gouverner l’intelligence artificielle

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Il y a des moments dans l’histoire où l’humanité doit choisir. Non pas entre le passé et l’avenir – car le passé ne reviendra pas – mais entre la peur et l’espoir. Entre la résignation face aux forces qui nous échappent et l’audace de les maîtriser ensemble.

Une tribune d’Axel Mazolo, fondateur du GAIGI (Geneva AI Governance Institute)

L’intelligence artificielle n’est plus une promesse lointaine : elle est déjà là, dans nos téléphones, nos banques, nos hôpitaux, mais aussi dans des domaines où l’erreur peut être fatale. En Afrique, un diagnostic médical peut être biaisé parce que les données utilisées viennent d’autres continents. Lors d’élections, des vagues de désinformation automatisée envahissent les réseaux sociaux, affaiblissant encore la confiance démocratique. Et demain, des drones armés pourraient frapper dans des zones fragiles du Sahel ou de la Corne de l’Afrique sans validation humaine.

Chaque seconde, des algorithmes prennent des décisions qui ne sont pas seulement techniques, mais existentielles. Qui sera responsable quand l’IA se trompe, refuse un traitement vital ou désigne une mauvaise cible ?

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Un enjeu global, un défi africain

L’histoire nous enseigne que chaque révolution technologique amplifie les inégalités… sauf si nous décidons collectivement du contraire. Or l’Afrique, continent jeune, connecté et en pleine transformation, est en première ligne. Le risque est double : importer des systèmes inadaptés aux réalités locales, ou subir des choix technologiques imposés par d’autres.

La gouvernance de l’IA ne peut être laissée aux seuls experts ou aux puissances dominantes. Elle doit intégrer les voix africaines : celles du médecin de campagne au Sénégal, du journaliste local au Bénin, du jeune entrepreneur kényan ou du soldat de la paix au Mali.

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Construire la confiance

C’est pour répondre à ce défi qu’est en train de naître à Genève le Geneva AI Governance Institute (GAIGI)[i], prévu pour 2025. Son ambition n’est pas de freiner l’innovation, mais de s’assurer qu’elle serve vraiment l’humain, y compris en Afrique. L’institut se concentrera sur les systèmes dits “sensibles” : ceux qui diagnostiquent nos maladies, informent nos décisions, protègent notre sécurité.

L’objectif est simple : garantir que chaque diagnostic soit traçable et équitable, que la désinformation ne puisse prospérer, qu’aucune arme autonome ne frappe sans validation humaine. C’est cela, la gouvernance du XXIe siècle : une confiance vitale construite par tous et pour tous.

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Entre abandon et audace

La révolution algorithmique n’a pas de frontières. Elle ne distingue pas le Nord du Sud, les riches des pauvres. Mais elle peut aggraver les fractures existantes si l’Afrique n’y prend pas toute sa place. L’IA peut devenir un formidable levier pour moderniser les systèmes de santé, sécuriser les élections, améliorer la vie quotidienne. Mais elle peut aussi se transformer en outil de domination et de dépendance.

À l’Afrique de revendiquer sa part dans la définition des règles mondiales. À la communauté internationale de reconnaître que le continent du futur ne peut rester en marge de cette gouvernance.

Nous avons l’audace de croire qu’il n’est pas trop tard. Qu’ensemble, nous pouvons écrire cette histoire plutôt que la subir. Que Genève peut ouvrir la voie, mais que l’Afrique doit y faire entendre sa voix.