Le patronat tunisien demande le retrait du nouvel impôt sur la fortune

Reçue pour présenter ses propositions sur le PLF 2026, une délégation de l’UTICA, conduite par son président Samir Majoul, a exprimé un refus ferme de cette mesure
L’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (UTICA) monte au créneau contre la mesure phare du projet de loi de finances (PLF) 2026 : l’instauration d’un impôt sur la fortune en Tunisie. Cette taxe, prévue à l’article 50 du projet en cours d’examen au Parlement, vise à cibler les patrimoines élevés en élargissant l’assiette aux biens mobiliers et financiers, en plus des biens immobiliers.
Selon les dispositions du PLF 2026, l’impôt s’appliquera à partir du 1er janvier chaque année, avec des taux progressifs : 0,5 % pour les patrimoines compris entre 3 et 5 millions de dinars, et 1 % pour ceux qui dépassent 5 millions. Or, parmi les points contestés par la principale centrale patronale, l’assiette inclut non seulement les biens immobiliers, mais aussi les dépôts bancaires, les valeurs mobilières, les fonds de commerce, etc.
Quelques exceptions prévues par le législateur
Toutefois, certaines exceptions sont prévues : la résidence principale, les biens immobiliers à usage professionnel ou encore les véhicules non utilitaires de faible puissance (moins de 10CV fiscaux) sont exemptés.
Pour l’UTICA, cette réforme fiscale représente « un danger réel ». L’organisation patronale estime ainsi que cet impôt « menace l’investissement et pourrait provoquer davantage de fuite des capitaux ». Elle rappelle que la fortune immobilière (ISF) jouait déjà un rôle de garantie auprès des banques et contribuait au financement des entreprises : en taxant ces actifs, l’État fragiliserait cette garantie.
De plus, l’UTICA redoute qu’une telle imposition des grandes fortunes ne dissuade les Tunisiens de l’étranger d’investir dans le pays, particulièrement dans le secteur de l’immobilier. Au-delà de la dimension économique, il s’agit aussi d’un avertissement politique : l’UTICA demande le retrait pur et simple de l’article 50 du PLF 2026. Pour elle, imposer les plus riches n’est pas un gage de justice fiscale si cette mesure mine les fondements de l’investissement privé et met en péril les entreprises locales.
Du côté des experts, certaines voix rejoignent partiellement ce scepticisme. Le conseiller fiscal Mohamed Salah Ayari, affirme en effet que l’impôt sur la fortune à la française ne garantit pas véritablement l’équité fiscale. Selon lui, l’enjeu se trouve plutôt dans une répartition plus large de la charge fiscale, notamment via un renforcement du contrôle fiscal et la digitalisation de l’administration.
Ciblage d’une caste de privilégiés
Il met aussi en garde contre le fait que seul un nombre restreint de contribuables fortunés serait concerné, ce qui limite l’impact social et budgétaire de l’impôt. Mais du point de vue du gouvernement, le PLF 2026 incarne une volonté de “renforcer le rôle social de l’État” et d’adopter une fiscalité plus progressive pour soutenir les dépenses sociales, comme le chômage, l’éducation ou la santé.
L’idée est de faire contribuer davantage les grandes fortunes pour financer l’effort public, tout en modernisant l’administration fiscale. Cependant le compromis semble difficile à trouver : l’UTICA, en tant qu’acteur majeur du tissu économique tunisien, considère que cette réforme pourrait pénaliser l’élan entrepreneurial. Si l’État ne parvient pas à convaincre les patrons que cette taxe ne nuira pas à la croissance, le retrait de l’article pourrait devenir une condition non négociable.
Le débat autour de l’impôt sur la fortune dans le PLF 2026 dépasse par ailleurs la simple question des recettes : il cristallise une tension profonde entre justice fiscale et protection de l’investissement dans le pays. L’UTICA, en appelant au retrait de l’article, pose un défi au gouvernement : comment concilier une réforme symbolique de redistribution sociale avec un climat favorable à la création de richesse et à l’investissement privé ? L’issue du débat dans les semaines à venir pourrait bien redéfinir le pacte fiscal en Tunisie.
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