« Le Triangle et l’Hexagone », décider d’être noire

 « Le Triangle et l’Hexagone », décider d’être noire

« Le Triangle et l’Hexagone. Réflexions sur une identité noire »


Elle constitue son propre objet d’étude. Dans ce livre, Maboula Soumahoro interroge l’identité noire « entre l’Hexagone et d’autres terres du Triangle Atlantique ».


Ce livre est un « point de vue », la mise à distance étant impossible, Maboula Soumahoro « ose dire je ». La posture n’est pas anodine pour une chercheuse. Au contraire, elle est courageuse et frontale. « Je » pour dire quoi ? Pour décrire cette « expérience » qui est sienne : noire et française. Elle est la France « aussi » et (spoiler alert, c’est une des dernières phrases de l’ouvrage) elle décide d’être noire. « Mon être, avec ses sensations et ses sentiments, constitue la seule réalité existante dont je sois certaine », écrit Maboula Soumahoro.



Pays ambigu 



C’est à l’occasion d’une année universitaire passée à New-York, « un détour nécessaire » que Maboula Soumahoro a commencé à se construire, « c’est là-bas que m’a été inculqué une certaine fierté raciale ». « J’étais enfin devenue noire. De mon plein gré ». Une évidence bien moins réelle dans l’Hexagone, ce « pays ambigu ». C’est en 2005 qu’elle comprend qu’elle « ne peut plus se réfugier derrière les Noirs des Amériques ». La prise de conscience a lieu lorsqu’elle se rend à Clichy-sous-Bois, après la mort de Bouna Traoré et Zyed Benna.



Rama Yade et Sibeth Ndiaye


Elle est docteure en civilisation du monde anglophone, maître de conférences à l’université de Tours depuis 2009 (« L’heure de la fin de la précarité professionnelle avait enfin sonné »), présidente de l’association Black History Month, créée en 2013. Elle est habituée des médias, et notamment des plateaux télé où elle raconte qu’elle est successivement associée à Rama Yade et à Sibeth Ndiaye.


Tâche épuisante



A ce propos, une notion émerge du livre de Maboula Soumahoro, celle de « charge raciale ». « Il nous revient la tâche épuisante d’expliquer, de traduire, de rendre intelligibles les situations violentes, discriminantes ou racistes ». Un concept qui devrait résonner auprès des journalistes car il éclaire crûment le choix de certains chercheurs de décliner les plateaux télé, pour entrer une énième fois dans un rôle qui s’impose à eux. Dans son ouvrage, Maboula Soumahoro rappelle que « le racisme fonctionne notamment grâce au silence » (…) « maintenu et imposé ». Pour le briser, la charge raciale n’aura pas d’autres choix que de se déplacer, et pourquoi pas au centre de l’Hexagone.

 

Chloé Juhel