Maîtres chanteurs et exception marocaine

 Maîtres chanteurs et exception marocaine

Le siège du Tribunal fédéral de justice (Bundesgerichtshof), à Karlsruhe, dans le sud de l’Allemagne. (Thomas Lohnes / AFP)

Solidarité oblige, d’habitude, nous n’avons pas tendance à nous réjouir de voir un État traîner en justice un média, mais quand la Cour suprême fédérale allemande a décidé d’accepter la plainte du Maroc contre plusieurs médias allemands qui avaient accusé le royaume d’avoir utilisé le logiciel espion israélien « Pegasus » pour espionner des responsables européens, la question ne relève plus de la liberté d’expression autant qu’elle remet en question les connexions troubles des journaux européens avec les services secrets de ces mêmes pays.

 

Ainsi, c’est bien la plus haute juridiction allemande (le Tribunal fédéral d’Allemagne) qui a accepté d’examiner la plainte déposée par le Maroc contre des médias accusés d’avoir diffusé des informations diffamatoires sur le royaume en lien avec l’affaire Pegasus.

Ici, il ne s’agit pas d’un simple constat de diffamation d’un média contre un État tiers, mais d’une véritable campagne de dénigrement portée par plusieurs journaux européens contre le royaume.

Si l’affaire remonte à 2021, quand des médias allemands — Die Zeit Online et Süddeutsche Zeitung, pour ne pas les nommer — ont publié des rapports accusant les services de renseignement marocains d’avoir utilisé « Pegasus » pour surveiller des dirigeants, dont le président français Emmanuel Macron, le président du Conseil européen Charles Michel et le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez, la pseudo-information a non seulement inondé les manchettes de la plupart des autres journaux européens, mais de plus, elle a servi amplement à enrichir « les analyses » les plus farfelues sur un royaume désormais engagé dans l’intrusion sans limite dans les affaires internes des pays européens.

Le tribunal a d’abord débattu de la possibilité pour un État étranger de déposer une plainte en diffamation en Allemagne, avant de finalement accepter de lancer les procédures judiciaires. Un Maroc trop confiant en lui-même, un pays qui ne se laisse plus marcher sur les pieds et qui refuse les diktats de « la métropole ».

Pourtant, le Maroc a toujours nié posséder ou utiliser ce logiciel, qualifiant ces accusations de « diffamatoires », et a choisi dès le départ de porter l’affaire devant la justice.

Se disant victime d’une « gigantesque entreprise de déstabilisation internationale », le royaume a commencé d’abord par porter plainte contre ces médias européens et ces ONG qui l’accusaient d’avoir utilisé le logiciel espion « Pegasus ». Et cela, bien des mois après « qu’aucune preuve n’ait été apportée à ce jour », avait affirmé à l’époque Me Olivier Baratelli, avocat du royaume en France, qui avait lancé les procédures judiciaires portant sur dix citations directes présentées devant le tribunal correctionnel de Paris pour diffamation.

Pourquoi ces chantages réguliers visent-ils en particulier le royaume, dans une tentative de prise en otage des lecteurs européens, toujours en usage chez beaucoup de médias européens ?

Il y a d’abord le tropisme d’une grande majorité de journalistes français imbibés de l’idéologie d’une gauche surannée, qui a toujours vu dans la monarchie marocaine le pire de tous les systèmes.

Dans cette perversion, en effet, le dévoiement de la liberté de la presse ne s’use autrement que par une nuisance créée à une tierce partie : le royaume. Ce qui non seulement violente, avec le délit d’opinion, la liberté de pensée des Français, mais de plus, est largement injuste envers ce Maroc nouveau de Mohammed VI.

Le procès fait au royaume, et par ricochet au monarque, n’est qu’un procès fait au courage d’un chef d’État qui a réussi à mener sa barque à bon port dans un monde déboussolé.

Face à la décadence de l’Europe, au déclassement de l’Amérique, le Maroc trace tranquillement sa voie et, petit à petit, dégage les handicaps majeurs de son chemin, en témoigne son dernier coup d’éclat pour ramener définitivement le Sahara dans son giron d’origine. Celui qui est aux commandes peut être bien fier de son bilan : il a bien usé de son charisme, de son surplomb et de son autorité de monarque pour convaincre et entraîner.

Pourtant, l’intérêt national d’un pays en chute libre comme la France devrait dicter à ses médias une relative retenue, pour ne pas s’aventurer, dans le mépris de la diplomatie officielle, jusqu’à provoquer une puissance émergente — le Maroc — au détriment de ses intérêts économiques et stratégiques dans cette région ultrasensible qu’est l’Afrique.

Pour faire face à ces embardées médiatiques, s’il reste aux médias le soin de démêler le vrai du faux, il leur reste aussi le souci raisonnable de ménager la puissance du royaume, dont le môle ne cesse de s’élever dans une Afrique du Nord bien fiévreuse.

Tiens, pourquoi ne pas méditer ces paroles du général de Gaulle, prononcées en 1963 à l’issue du dîner offert à l’Élysée au roi du Maroc :

« Sire, nous sommes très heureux de recevoir solennellement le souverain du Maroc. Nous le sommes d’abord parce que, depuis bien des siècles, les Français savent qui sont les Marocains.

Ils les tiennent au long des âges pour un peuple fier et courageux, entraîné par sa valeur dans maintes grandes entreprises, au point d’avoir jadis établi des royaumes dans la péninsule Ibérique et même porté ses avant-gardes jusqu’aux abords de la Loire.

Ils les tiennent pour un peuple que ses dynasties successives, principalement celle des Alaouites, surent maintenir avec sa personnalité malgré de multiples épreuves intérieures et extérieures, ouvrir aux contacts européens, illustrer par la construction de métropoles imposantes dont la noblesse répond à son âme comme à sa figure… »