PORTRAIT. Le monde matriarcal à travers les yeux de Nadia Ferroukhi

 PORTRAIT. Le monde matriarcal à travers les yeux de Nadia Ferroukhi

Nadia Ferroukhi, photoreporter des dernières sociétés matrilinéaires du monde. Photo : © Nil Soares Ferroukhi

Photoreporter insatiable, elle parcourt depuis plus de vingt ans les dernières sociétés matrilinéaires de la planète. De Sumatra au désert mauritanien, Nadia Ferroukhi documente en couleurs la diversité des mondes où les femmes transmettent l’héritage et façonnent la vie sociale. Un travail unique à découvrir dans son tout récent ouvrage.

« Chez nous, c’était les Nations unies », sourit Nadia Ferroukhi. Algérienne par son père, tchèque par sa mère, Parisienne de naissance, elle a grandi entre Alger, Vienne et Washington. Désormais, elle vit à la campagne, du côté de Bergerac. Dans cette maison, elle conserve une collection d’appareils photo hérités de son grand-père, dont un Yashica, cadeau reçu à l’adolescence comme un signe prémonitoire.

Elle aurait pu exercer toute une panoplie de métiers : analyste en relations internationales (son premier diplôme), traductrice littéraire de langue allemande, comédienne (un fiasco : « Je n’ai rien joué du tout ») ou mannequin pour payer le loyer. Elle aurait pu rester devant l’objectif et vivre dans un monde de paillettes, tant on lui disait qu’elle était faite pour ça. Elle a préféré se faire plus discrète en passant derrière et faire découvrir d’autres réalités.

Car, au fond, la photographie était déjà là, inscrite dans son ADN. Son grand-père tchèque, directeur d’école le jour et photographe l’après-midi, les « bombardait » de clichés lors des séjours familiaux à Bohosudov. À 15 ans, il lui offre son premier appareil. Aux États-Unis, elle shoote tout le temps. Mais ce n’est qu’en 1999, au Yémen, que se produit le déclic. Elle a 28 ans et la certitude d’avoir trouvé sa voie.

 

« J’ai aimé être sur le terrain, écouter les gens. C’est là que tout a basculé. »

 

Depuis, cette infatigable photoreporter sillonne le monde. Son premier sujet porte sur les Bédouins de Pétra, expulsés par le tourisme. Très vite, un fil rouge s’impose : les femmes, la matrilinéarité.

En 2008, elle part au Kenya puis en Indonésie, auprès des Minangkabau, des musulmans chez qui l’héritage se transmet de mère en fille. Elle observe une société qui conjugue l’islam au droit coutumier adat, conférant aux femmes un rôle central.

Cap ensuite sur les montagnes du Népal, où subsiste la polyandrie fraternelle. Mauritanie, Mexique, Ghana, Éthiopie… Au total, dix-huit pays parcourus.

De ce travail au long cours naissent deux ouvrages. Le premier, Les matriarches, vendu à 14 000 exemplaires, et le second, Les Nouvelles matriarches : dernières sociétés de femmes autour du monde, qui paraît chez Albin Michel en octobre dernier. Un travail qui défend une idée simple : les sociétés qu’elle photographie ne sont « ni en retard, ni en avance », simplement différentes et n’ont aucune leçon à recevoir de l’Occident.

 

Récompensée en 2021 par le Booksellers’ Prize “I Love the Art Book” pour Les Matriarches, Nadia Ferroukhi poursuit une trajectoire reconnue. Ses images ont été notamment publiées dans Le Monde, Géo ou Courrier international, mais aussi exposées à Visa pour l’Image ou à la Biennale du quai Branly. Certaines sont aujourd’hui entrées dans des collections prestigieuses, dont celle de la Maison européenne de la Photographie.

Évoquant sa sensibilité artistique, elle dit faire de la couleur parce que « je vois tout en couleur. Le noir et blanc m’émeut, mais ce n’est pas moi ».

Ses modèles ? Tina Modotti, photographe italienne connue pour son engagement, ou encore Gerda Taro, une pionnière morte sur le front à 26 ans.

 

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Images ci-dessous : 5 captures du diaporama de Nadia Ferroukhi, sur son site officiel.

PORTRAIT. Le monde matriarcal à travers les yeux de Nadia Ferroukhi
Capture d’écran du diaporama de Nadia Ferroukhi, nadia‑ferroukhi.com
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Capture d’écran du diaporama de Nadia Ferroukhi, nadia‑ferroukhi.com
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Capture d’écran du diaporama de Nadia Ferroukhi, nadia‑ferroukhi.com
PORTRAIT. Le monde matriarcal à travers les yeux de Nadia Ferroukhi
Capture d’écran du diaporama de Nadia Ferroukhi, nadia‑ferroukhi.com
Capture d’écran du diaporama de Nadia Ferroukhi, nadia‑ferroukhi.com