Propagande: « Bien mentir, voilà ce qu’il faut »

 Propagande: « Bien mentir, voilà ce qu’il faut »

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou fait une déclaration lors d’une visite sur le site de l’Institut Weizmann des sciences, touché par une salve de missiles iraniens, dans la ville centrale de Rehovot, le 20 juin 2025. (Photo : Jack GUEZ / POOL / AFP)

Dans Les Justes, à quoi pensait Albert Camus quand il faisait dire à son héros : « Bien mentir, voilà ce qu’il faut » ? Certainement pas à Donald Trump ou à Netanyahou ! Néanmoins, les questions qui se bousculent aujourd’hui sont bien nombreuses : l’Iran a-t-il vraiment attaqué le Qatar ? Comment se fait-il qu’il n’y ait aucun chat, aucun chien errant victimes de ces bombardements ? Donald Trump ne « veut pas » d’un changement de régime en Iran ? Pourquoi alors les États-Unis ont-ils fait mine d’envoyer leurs bombes sur les sites iraniens, parlant de destruction totale avant de se dédire le lendemain ?

Dans la foulée, le président Trump a déclaré à un animateur de Fox News qu’il était « plus frustré » par Israël que par l’Iran après la dernière série d’attaques, accusant Israël d’avoir agi avec mauvaise foi. Entendre parler Trump de mauvaise foi, c’est comme faire entrer le loup dans la bergerie.

L’Iran a-t-il les moyens de fabriquer la bombe atomique ? Peu probable pour un pays sous embargo depuis bien des décennies et qui survit essentiellement grâce aux trafics de contrebande. Israël est-il menacé par les quelques vieux fusils qui restent en stock aux miliciens en guenilles du Hamas ? Non, bien sûr. À Gaza, il n’y a plus que des morts-vivants errant les yeux hagards à la recherche d’un morceau de pain, concurrencés par des chiens et des chats faméliques.

Cela n’empêche pas Netanyahou et ses mafieux de continuer la guerre israélo-palestinienne, auxquelles s’ajoutent la guerre israélo-yéménite, les raids israéliens sur la Syrie, la guerre aux fantômes de Hassan Nasrallah au Liban et la dernière folie qui concerne l’Iran, avec l’objectif avoué d’assassiner les mollahs. Lesquels « mollahs », sinistres assassins de toutes les révolutions du printemps arabe, ont sur les mains le sang de millions de Syriens, de Libanais et d’Irakiens. Pour le compte de qui ?

Depuis l’opération Ajax orchestrée par la CIA et le MI6, l’Iran n’a jamais cessé d’être au service des États-Unis, malgré les mécanismes complexes des relations internationales et leur impact sur l’évolution des nations de la région. À l’époque, l’Iran, qui émergeait comme un acteur régional important grâce à ses importantes réserves pétrolières, avait servi de laboratoire idéal pour les services occidentaux chargés d’évaluer les méthodes de manipulation politique et leur efficacité. Et déjà, à l’époque, nous retrouvons au cœur de cette guerre la désinformation stratégique, qui vise à influencer l’opinion publique et à déstabiliser le régime en place.

Aujourd’hui, on apprend au passage que la vidéo montrant une frappe israélienne ciblée faisant voler en éclats les portes de la prison d’Evin, à Téhéran, devenue virale et reprise à l’échelle mondiale par des médias parmi les plus sérieux le 23 juin, a été tout simplement créée par IA, qui n’est pas au top en matière de désinformation.

Cela n’empêche pas que, depuis sa prise de pouvoir, Netanyahou, le chef suprême de la mafia de Tel-Aviv, a fait de la disparition de la « mollarchie » un épouvantail commode doublé d’un impératif religieux absolu et une question eschatologique flattée dans le sens du poil par des rabbins qui encouragent Bibi à en faire plus pour hâter la venue du « Machia’h », le messie juif, voire même sioniste, qui va venger Israël avec l’éradication de ses ennemis arabes et musulmans.
Ce n’est pas pour rien aussi qu’Israël, qui s’inspire amplement de l’expérience du « fameux ministère de l’Éducation du peuple et de la Propagande » de Joseph Goebbels, reprend les mêmes techniques modernes de manipulation des masses.

En témoigne le bureau de presse du gouvernement israélien, administration tout ce qu’il y a d’officiel, chargée de gérer les relations entre les autorités et les journalistes travaillant sur le territoire de l’État hébreu. Haut lieu de la censure, ses soldats n’hésitent guère à envoyer des e-mails aux correspondants étrangers installés sur place, leur précisant à chaque fois les nouvelles directives quant à la censure.

Résultat : depuis le début de l’opération « Rising Lion » (« lion qui se lève ») contre l’Iran, initiée le 13 juin, quelque six mises en garde ont été adressées aux journalistes avec la directive suivante : « Toute diffusion depuis les zones de combat et les sites d’impact nécessite l’approbation préalable du censeur pour pouvoir mentionner le lieu ou le décrire » !

C’est le média israélien +972 qui le dit : la censure militaire en Israël a explosé les compteurs en 2024, soit son niveau le plus élevé depuis 2011, détaillant ainsi l’interdiction de publication de 1 635 articles, quand 6 235 autres ont été remaniés pour être conformes à la version officielle. Quant au nombre de journalistes palestiniens assassinés à bout portant par les soldats de l’armée « la plus morale du monde » au lendemain du 7 octobre 2023, selon le Comité de protection des journalistes, leur nombre s’élevait, au 12 juin, à 177.

« Quand tout le monde vous ment en permanence, le résultat n’est pas que vous croyez ces mensonges mais que plus personne ne croit plus rien. Un peuple qui ne peut plus rien croire ne peut se faire une opinion. Il est privé non seulement de sa capacité d’agir mais aussi de sa capacité de penser et de juger. Et avec un tel peuple, vous pouvez faire ce que vous voulez. » C’est bien à ces paroles éternelles de Hannah Arendt que nous fait penser l’actualité du monde aujourd’hui.