« Quatre jours sans ma mère » de Ramsès Kefi : Un roman qui répare les silences

Photo de fond, les Yvelines : JOEL SAGET / AFP
Elle a 67 ans, elle s’appelle Amani. Un soir, elle s’en va. Sans bruit, sans valise, sans explication. Juste une casserole de pâtes rouges et un mot griffonné : « Je dois partir, vraiment. Mais je reviendrai. » Cette disparition provoque un séisme intime au sein d’une famille franco-tunisienne de banlieue.
Avec ce premier roman, Ramsès Kefi signe une fresque sociale pudique et bouleversante. Il rencontrera ses lecteurs ce jeudi 4 septembre à 18 h, aux Cahiers de Colette (23 rue Rambuteau, Paris).
Une fugue qui n’en est pas une
Dans la cité qu’on appelle « la Caverne », ce départ sonne comme une trahison. Hédi, le père, ancien maçon, s’effondre puis se radicalise en mode survie : alliance retirée, appartement démonté à coups de tournevis. Salmane, le fils de 36 ans, encore vissé chez ses parents, lâche ce cri qui fend la page : « Je suis un sous-fils. »
Il bosse dans un fast-food, fuit l’amour, tue ses nuits avec des copains cabossés sur un parking. Mais la disparition de sa mère, ce pilier silencieux, va fissurer toutes ses certitudes.
Un roman sur les mères qu’on ne voit pas
Ce livre, c’est un hommage. À ces femmes qui portent des familles entières sur leurs épaules, sans reconnaissance, sans bruit. À celles qui finissent par dire : stop. Amani n’a pas fui pour un homme ni pour l’aventure : elle est partie pour respirer. Pour s’accorder quatre jours de liberté dans une vie de servitude domestique.
Ramsès Kefi raconte ça avec une langue vive, drôle parfois, acérée souvent. Il connaît la banlieue de l’intérieur. Pas de clichés tape-à-l’œil, pas de misérabilisme. Juste la vérité brute des vies ordinaires : un PMU fantôme, des balcons « aux couleurs pessimistes », une marmite « stationnée comme un train au dépôt ».
Plus qu’un mystère, une révélation
Ce n’est pas une enquête policière. L’essentiel n’est pas où Amani est partie, mais pourquoi. Cette fugue devient le révélateur d’un malaise plus profond : le poids de l’exil, le silence des pères, la fragilité des fils. « Nous sommes des métis (mi-paysans, mi-banlieusards), plus proches des bois que des centres-villes », écrit Kefi. Tout est dit.
Ce roman touche parce qu’il parle d’amour. Celui qu’on tait. Celui qu’on regrette. Celui qui finit par dire « je t’aime » trop tard. Quatre jours sans ma mère n’est pas seulement un récit de disparition. C’est un livre sur la réconciliation : avec soi, avec ses racines, avec celle qu’on n’a jamais assez regardée.
Ramsès Kefi, Quatre jours sans ma mère, Éditions Philippe Rey.
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