Saint-Ouen-sur-Seine célèbre Lounès Matoub en inaugurant une place à son nom

 Saint-Ouen-sur-Seine célèbre Lounès Matoub en inaugurant une place à son nom

Socialist mayor of Saint-Ouen, Karim Bouamrane attends a press conference of Deputy First Secretary of the French Socialist Party (PS) and mayor of Rouen, in Paris, on April 25, 2025. (Photo by Bertrand GUAY / AFP)

Ce samedi 31 mai, à l’angle de la rue du Landy et de la rue Saint-Denis, la Ville de Saint-Ouen-sur-Seine inaugurera la place Lounès Matoub à 11h30, en présence du maire socialiste Karim Bouamrane.

Un geste fort pour honorer la mémoire d’un artiste engagé, figure emblématique de la résistance kabyle et de la lutte pour la démocratie.

La cérémonie, placée sous le signe de l’émotion et du souvenir, sera rythmée par des prises de parole, des concerts, et un moment convivial autour d’un cocktail. Elle entend rappeler l’importance du combat mené par celui que l’on surnommait « le rebelle ».

Un artiste, un combat

Lounès Matoub, assassiné il y a vingt-sept ans le 25 juin 1998, continue de hanter les mémoires kabyles, algériennes. Poète, auteur-compositeur, interprète de plus de trente albums, il était bien plus qu’un chanteur : un porte-voix pour les sans-voix, un défenseur inlassable de la culture amazighe et de la liberté d’expression.

Sa vie fut marquée par les persécutions : en 1988, il survit miraculeusement à une attaque par balles tirées par un gendarme, au cœur des manifestations étudiantes en Algérie. Cinq balles, huit mois d’hospitalisation, quatorze opérations. Il revient sur scène debout, en béquilles, pour un concert d’anthologie à Tizi-Ouzou.

En 1994, il est enlevé par un groupe islamiste armé ; sa libération, deux semaines plus tard, est arrachée par une mobilisation populaire massive. Mais c’est son assassinat, en 1998, qui achève de faire de lui une légende.

Pris en embuscade alors qu’il regagnait son domicile, il est extrait de sa voiture et exécuté devant sa femme et ses belles-sœurs. Une disparition tragique, dont les circonstances restent encore marquées par les zones d’ombre.

Un symbole pour les générations

Interrogée sur son héritage, l’historienne Naïma Yahi, spécialiste de l’histoire culturelle de l’immigration maghrébine, soulignait dans nos colonnes : « Lounès Matoub portait la voix de tout un peuple, de toutes les personnes éprises de liberté. Son répertoire célébrait sa culture, sa langue, sa mère… mais n’épargnait jamais les puissants. Il posait des questions que beaucoup n’osaient même pas formuler, comme lorsqu’il exigeait des réponses sur l’assassinat de Boudiaf en 1992. »

Au-delà de ses combats politiques, Matoub laisse une œuvre artistique vibrante, faite de poésie, de douleur et d’espoir. Sa voix résonne encore aujourd’hui dans les rassemblements, les manifestations, et les foyers de la diaspora kabyle.

Un hommage national et universel

Comme Saint-Ouen, de nombreuses villes françaises ont choisi de nommer une rue, une école ou une place en son honneur. L’inauguration de la place Lounès Matoub à Saint-Ouen-sur-Seine vient s’inscrire dans cette dynamique de mémoire vivante. Elle symbolise aussi l’engagement d’une municipalité pour la reconnaissance des luttes issues de l’immigration et des figures qui les ont portées au prix de leur vie.

Comme l’avait déclaré Lounès Matoub en 1995 sur TF1, interrogé sur ses allers-retours entre la France et l’Algérie : « Je préfère mourir pour mes idées que mourir de lassitude et de vieillesse dans mon lit. » Il savait ce qu’il risquait, mais n’a jamais reculé.

Aujourd’hui, à Saint-Ouen, une place portera son nom. Une place pour la mémoire. Une place pour la liberté. Une place pour Lounès Matoub.