“Sur la route de Papa” : Le Bled, la R21 et le cœur en surrégime

Sur la route de Papa, en salle, le 18 juin 2025 .
Il y a des films qui explosent, d’autres qui caressent. Sur la route de Papa, de Nabil Aitakkaouali et Olivier Dacourt, qui sort dans les salles ce mercredi (18 juin), lui, réveille. Et pas avec des effets spéciaux ou des punchlines en 4K. Non, ce film-là remue parce qu’il parle d’un truc qu’on a trop souvent laissé sous le tapis : l’identité. La vraie. Celle qu’on trimballe dans une vieille Renault 21 surchauffée, à travers 2 400 km de souvenirs (3 jours de route, une trentaine d’heures de voiture), de non-dits et de taboulé emballé sous alu.
Olivier Dacourt, ex-international de foot français devenu conteur de vérités, s’associe à Nabil Aitakkaouali — un mec qui connaît la route du Bled mieux que Waze — pour signer un road movie à l’ancienne. Pas besoin d’explosions, juste des silences de mères, des soupirs de fils, et des éclats de rire qui débordent du coffre.
Kamel (Redouane Bougheraba), le héros, c’est ce mec qu’on a tous croisé et qu’on montre trop peu à la télé. Un type lambda, diplômé, père de deux enfants modèles. Un genre de carte postale de la réussite républicaine. Sauf que cette carte postale est cornée. Froissée même. Car sous la chemise bien repassée de l’architecte, il y a le gosse du quartier, celui qui appelait sa mère « maman » en public avec une honte mal placée. Celui qui a appris à marcher en funambule entre deux cultures, jusqu’à en perdre l’équilibre.
Et c’est là que le film tape juste : dans cette tension. Dans cette voiture où Kamel embarque sa mère (Farida Ouchani) pour une virée vers le Maroc, comme d’autres embarquent des valises de souvenirs, lui trimballe ses contradictions. Ce n’est pas un simple voyage. C’est une thérapie. Une engueulade en plusieurs actes. Un retour aux sources qui pique les yeux, pas à cause du sable du désert, mais parce que certains silences crient plus fort que les mots.
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L’écriture est fine, touchante, jamais tire-larmes. Pas étonnant quand on sait que derrière ce scénario se cache Hakim Zouhani, co-auteur du magnifique La Cour des miracles avec sa complice de toujours, Carine May. Des gens qui connaissent la France des marges, mais qui filment le cœur des hommes.
Le duo Dacourt-Aitakkaouali ne cherche pas à faire joli. Ils veulent faire juste. Et ça fonctionne. Parce qu’ils racontent ce que personne n’a le temps de filmer : le poids de la transmission, les mères qui tiennent la baraque pendant que les pères ont fondu dans les souvenirs, les enfants qui veulent s’émanciper sans trahir.
Le film évite également le folklore, il évite aussi la caricature. On n’est pas dans une pub Benetton où tout le monde se comprend. Ici, ça parle mal parfois. Ça pleure. Ça se reproche des trucs d’il y a 15 ans. Ça sent la vraie vie. Et surtout, ça montre ce que ça coûte d’être “entre deux”. Ni d’ici, ni de là-bas. Ou plutôt, des deux à la fois. Et ça, ce n’est pas une faiblesse. C’est une richesse, même si elle pèse lourd dans les bagages.
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Alors oui, Sur la route de Papa, c’est un film sur la famille, mais aussi sur le pardon. Sur ce que les enfants doivent comprendre, et ce que les parents n’ont jamais dit. C’est doux sans être niais, politique sans être militant, drôle sans être potache. Une belle claque, bienveillante et nécessaire.
À tous ceux qui ont fait la route du Bled dans une voiture surchargée de couscous et de colère rentrée, ce film est pour vous. Et à ceux qui ne comprennent toujours pas pourquoi on peut aimer deux pays en même temps, allez-y aussi. Vous comprendrez peut-être que l’identité, ce n’est pas un passeport. C’est un coffre de voiture. Et chez nous, il est toujours un peu trop plein.
Sur la route de Papa
Le 18 juin 2025 en salle | 1h31 | Comédie
De Nabil Aitakkaouali, Olivier Dacourt | Par Nabil Aitakkaouali, Hakim Zouhani
Avec Redouane Bougheraba, Farida Ouchani, Caroline Anglade