Trump, Netanyahou : Fake news et vérités alternatives ?

 Trump, Netanyahou : Fake news et vérités alternatives ?

Illustration – Photo : Brendan Smialowski / AFP

(Operation truth, « opération Vérité », nous avons inventé ce néologisme pour désigner un travail de décryptage de grande ampleur censé, en cas de besoin, démonter une grosse opération de désinformation ou mettre à jour les véritables motifs qui sont derrière une décision majeure prise par une puissance, un pays, un organisme ou un groupe d’individus influents dont les explications ne sont pas celles qui sont mises en avant.)

Comme beaucoup de journalistes, nous sommes confrontés tous les jours, toutes les heures, voire toutes les minutes à un torrent d’informations qui nous submergent et qu’il faut, a minima, vérifier avant de traiter et de mettre à la disposition de nos lecteurs.

 

Hier, ce fut un départ de feu sur l’un des navires de la Global Sumud Flotilla, qui s’est produit ce 9 septembre, ayant jeté l’ancre à proximité des côtes tunisiennes alors que nous avons la chance d’avoir un de nos journalistes sur place à Tunis. À bord, des membres de la société civile, partis de Barcelone pour briser le blocus de Gaza.

Il faut dire que l’incendie fut pour le moins spectaculaire et ce timing troublant suscitait bien des interrogations puisqu’il s’agit là de l’un des principaux bateaux de la Global Sumud Flotilla (GSF) qui mouillait dans les côtes tunisiennes, près du port de Sidi Bou Saïd.

Le Family Boat, qui a été partiellement endommagé par les flammes et qui navigue sous pavillon portugais, transporte notamment les membres du comité de pilotage de la flotte mondiale pour Gaza. L’incident a justement eu lieu juste après l’attaque lancée par Israël contre la capitale du Qatar, dans une tentative claire et revendiquée d’assassiner les membres du bureau politique du Hamas à Doha.

Il est certain que la frappe sur Doha est une erreur fatale commise par le chien de garde des États-Unis au Proche-Orient, qui ne peut se faire sans la bénédiction de Washington, cela va de soi.

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Non seulement les négociations en cours pour un cessez-le-feu à Gaza ont été complètement écartées par ces frappes israéliennes, mais plus grave encore, le feu vert donné par Washington à la folie meurtrière du leader des extrémistes sionistes de Tel-Aviv a fait voler en éclats la fameuse doctrine américaine du respect dû aux alliés de l’Amérique !

En effet, s’il y a un pays « couché » devant les desiderata de Washington, c’est bien ce petit État coincé entre les Émirats et l’Arabie saoudite. De concessions en concessions, Doha a fini par croire que les Américains ne laisseraient jamais personne s’attaquer à l’émirat.

Un pays qui a ouvert toutes grandes ses portes aux entreprises américaines comme ExxonMobil, pour exploiter sans vergogne les prolifiques champs de gaz offshore. Ils ont été chargés par le département d’État de servir de courroie de transmission entre les services américains (qui englobent le Mossad et ses filiales) et les ennemis traditionnels de l’Amérique, que ce soit avec l’Iran, feu Ben Laden à la tête d’Al-Qaïda, les talibans afghans, les Frères musulmans et aujourd’hui le Hamas palestinien. Tout en étant sommé de maintenir le dialogue avec l’État hébreu.

On oublie souvent que les Qataris ont payé de leur personne depuis des décennies pour que les États-Unis leur accordent le statut d’allié. Ce grand écart dont l’émirat a pâti à de nombreuses reprises avec ses voisins immédiats, et ce, même si les États-Unis avaient reconnu à Doha le statut d’« allié majeur non-membre de l’OTAN » sous le mandat de Joe Biden.

Ce soutien apparent de Washington, payé rubis sur l’ongle par des milliards en dons et des centaines de millions de dollars d’investissements qataris, semblait jusqu’à présent prémunir le petit État contre toute mauvaise surprise.

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Passé la stupéfaction des premiers instants, Qataris, Koweïtiens et Saoudiens et autres Arabes réalisent que les milliards offerts à Trump sous couvert de contribution à absorber la crise américaine ne suffisaient pas à assurer leur protection. Et même le Qatar, avec la base américaine sur son sol, n’est pas à l’abri d’un sale coup.

Les messages de soutien des capitales arabes ne représentent pas grand-chose face à l’hégémonie des Américains via leur proxy israélien dans la région. Il s’agit là réellement d’un véritable château de cartes qui s’effondre, le mythe du vieil ordre mondial fondé sur le multilatéralisme.

Nul doute que ni Netanyahou, ni Trump n’ont lu L’Art de la guerre de Sun Tzu, qui précise que si l’acmé de la stratégie militaire est d’obtenir la victoire sans effusion de sang, la politique de la guerre dans un monde comme le nôtre avec une notion d’ennemi héréditaire n’existe pas. Les ennemis d’aujourd’hui peuvent devenir les amis de demain et vice versa.

Résultat : en lâchant la bride aux velléités guerrières de la mafia au pouvoir à Tel-Aviv, les États-Unis se coupent complètement du monde arabe et confirment ainsi aux populations musulmanes que les agressions contre des personnalités et des États de ces pays, commises par Israël, se font désormais avec le feu vert de Washington et ne cesseront pas tant qu’un enragé comme Netanyahou sera aux commandes.

Si, pour leur part, les populations arabo-musulmanes ont bien compris aujourd’hui qui était leur véritable ennemi, il reste maintenant aux dirigeants de se convaincre que leur tour viendra malgré toutes les concessions possibles et imaginables qu’ils font tous les jours. Et comme le dit le fameux adage arabe : « Si tu vois ton frère en train de se faire raser les cheveux, mouille bien ta tête ! »

Malheureusement, dans ce cas de figure et dans beaucoup de situations, les leaders du monde arabe sont noyés dans la perte de repères et décrédibilisés à cause de leur silence gêné face au génocide commis sur les Palestiniens. Une prise de parole pourtant primordiale pour regagner la confiance du grand public.

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Mais « Là où tout le monde ment à propos de tout, le résultat n’est pas que l’on croit les mensonges, mais que plus personne ne croit rien », disait la philosophe Hannah Arendt. Et c’est exactement le danger qui guette les pays arabes à l’heure actuelle.

Malheureusement, face aux manipulations médiatiques et digitales des officines occidentales qui se sont emparées du numérique pour livrer au monde arabe une guerre hybride, les élites de ces pays sont démunies et peinent à imaginer une stratégie censée « armer » de la meilleure manière leurs citoyens dans cette guerre de l’information.

Une manipulation de l’information qui profite de la crise de confiance qui frappe les gouvernements arabes et qui use de la viralité des réseaux sociaux. Avec des algorithmes qui distillent en continu des messages auxquels vont être confrontés des millions d’utilisateurs, façonnant leur manière de penser ou, peut-être pire encore, en leur donnant l’impression de ne plus pouvoir croire en rien.

Et ainsi, semble peser comme une épée de Damoclès sur la tête des rares dirigeants arabes qui seraient encore tentés de se rebiffer contre l’hégémonie américano-européenne.

Dans les médias américains, on épingle souvent la Russie de Poutine comme un État pionnier en la matière avec la création de l’unité 29155 du GRU, spécialisée dans les cyberattaques, qui cible aujourd’hui particulièrement les pays de l’OTAN, ou les « usines à trolls » de l’Internet Research Agency.

Mais l’Amérique et l’Europe ne sont pas en reste, et les milliers de faux comptes et de bots créés à l’occasion par les officines de ces pays n’ont qu’un seul ennemi : « l’Islam », même si on utilise des notions plus politiquement correctes pour désigner cet ennemi, que ce soit « Al-Qaïda », « Daech », « Frères musulmans », « islamisme » ou encore « Palestinien » !