Tunisie. PLF 2026 : La commission parlementaire des finances enterre l’impôt sur la fortune

 Tunisie. PLF 2026 : La commission parlementaire des finances enterre l’impôt sur la fortune

Coup de théâtre dans l’avancement des travaux budgétaires à l’Assemblée. Tard dans la soirée de samedi, les deux commissions des finances des chambres législatives ont finalisé l’examen détaillé des articles du projet de loi de finances (PLF), en présence de la ministre des Finances. À l’issue de plusieurs heures de discussions techniques, un ensemble d’amendements a été adopté… et un seul article a été purement et simplement supprimé : celui instaurant l’impôt sur la fortune.

Nous évoquions la semaine dernière les véhémentes pressions du patronat tunisien en vue d’obtenir le retrait pur et simple de l’article portant création du nouvel impôt sur la fortune. Dimanche 23 novembre 2025, le député Dhafer Sghiri est revenu sur les conclusions de ces réunions conjointes dans une déclaration aux médias nationaux. Selon lui, les débats ont été « particulièrement riches et constructifs », permettant d’ajuster plusieurs dispositions du texte afin de mieux répondre aux impératifs économiques actuels. Mais la suppression surprise de la chaîne Youtube du Parlement le 20 novembre n’a pas manqué de créer un climat de scepticisme au sein de l’opinion.

 

Le spectre contre-productif de l’optimisation fiscale

Comme attendu, c’est bien l’article 50, consacré à l’impôt sur la fortune, qui aura concentré l’essentiel des débats. Après examen, les membres des commissions ont considéré que cette nouvelle taxe ne présenterait qu’un rendement très limité : environ 11 millions de dinars attendus pour les caisses de l’État. Peanuts ! Un chiffre jugé en tout cas largement insuffisant compte tenu du coût administratif qu’exigerait sa mise en place. Les commissions ont notamment relevé les besoins importants en ressources humaines, en outils de contrôle supplémentaires et en moyens logistiques fiscaux pour identifier, évaluer et suivre les patrimoines concernés.

Outre sa faible rentabilité, l’impôt sur la fortune a également suscité des inquiétudes quant à ses effets sur le secteur financier. Dhafer Sghiri a alerté sur le risque de voir cette taxe provoquer des retraits de dépôts ou une baisse des revenus de l’épargne, un scénario qui pourrait fragiliser davantage encore un système bancaire déjà soumis à de fortes tensions. Les députés redoutent en effet que la mesure ne produise plus de dommages que de bénéfices, en décourageant l’investissement et en poussant certains détenteurs de capitaux à déplacer leurs avoirs à la recherche d’optimisation fiscale.

 

Soulagement pour la centrale patronale

En supprimant cet article, les commissions envoient un signal clair : la priorité est finalement de préserver la stabilité financière et d’éviter l’introduction de dispositifs jugés peu efficaces. La version amendée du projet de loi de finances va désormais être transmise à la plénière, où elle devra être adoptée dans les prochaines semaines.

Mais les discussions promettent d’être animées, alors que plusieurs organisations — notamment l’UTICA — avaient déjà exprimé leur franche opposition à cet impôt, tandis que d’autres acteurs réclamaient davantage de justice fiscale.

Le débat autour de la taxation du patrimoine est donc provisoirement refermé, mais il pourrait resurgir à l’avenir, au gré des besoins budgétaires et des arbitrages politiques. Pour l’heure, le PLF 2026 s’oriente vers une adoption sans impôt sur la fortune, après ce premier tri opéré en commission. En obtenant ce rejet, les patrons tunisiens brouillent cependant l’identité même de ce PLF qui se proclamait être celui par excellence de la justice sociale voulue par la présidence de la République.