Tunisie – USA : Le président Saïed dénonce les massacres à Gaza face à l’émissaire de Trump

Le président de la République, Kais Saïed, recevait mardi 22 juillet 2025 au palais de Carthage le conseiller principal du président américain pour les affaires arabes, le Moyen-Orient et l’Afrique, Massad Boulos. Spectaculaire, le moins que l’on puisse dire est que la rencontre est allègrement sortie des usages diplomatiques.
Il est à noter que Boulos, chrétien d’origine libanaise, n’est pas n’importe quel conseiller de Donald Trump : connu pour sa proximité idéologique avec le président US, il jouit également d’une proximité familiale avec lui puisqu’il est le beau-père de sa fille, Tiffany Trump, fille unique de sa deuxième épouse Marla Maples.
A Carthage, les observateurs s’attendaient à un ordre du jour évoquant essentiellement la polémique autour des importants tarifs douaniers (25%) imposés par l’administration Trump sur les produits tunisiens destinés à l’exportation, et probablement une discrète incitation américaine à la normalisation avec Israël tel que cela fut mentionné dans la déclaration d’intention de l’ambassadeur Joey Hood lors de son investiture.
Mais la rencontre fut surtout l’occasion d’évoquer un tout autre sujet, du moins si l’on se fie à la communication du Palais qui a résumé l’entrevue à un monologue à sens unique pour se focaliser sur les massacres perpétrés contre le peuple palestinien et de débattre d’une série de dossiers, dont notamment, la question du terrorisme sous toutes ses formes ainsi que la situation dans la région arabe en particulier.
Souverainisme et altermondialisme
Outre la longue scène documentée en vidéo, situation rare où un émissaire officiel US est vertement tancé sur la situation humanitaire à Gaza, le communiqué de la présidence de la République souligne que « les affaires de chaque pays arabe doivent être réglées par leurs peuples sans nulle ingérence étrangère sous quelque prétexte que ce soit ».
Allusion aux nouvelles alliances visiblement décomplexées nouées par la Tunisie avec la Chine, l’Iran et la Russie, le chef de l’Etat a par ailleurs affirmé que la Tunisie a « choisi d’élargir ses partenariats stratégiques afin de servir les intérêts de son peuple et de répondre à ses revendications et attentes ».
Moment clé qui restera sans doute dans les annales diplomatiques, Kais Saïed élève la voix en montrant au conseiller américain des images de nourrissons et d’enfants palestiniens, victimes de la famine à Gaza, mourant de soif et de faim :
« Ces images sont un témoin saisissant de la brutalité de la guerre menée par les forces de l’occupation dans le seul et unique dessein d’exterminer le peuple palestinien et de le mettre à genoux », a commenté le président tunisien avant de poursuivre que « les peuples libres n’accepteront plus jamais la défaite ».
Lors de la même réunion, le président Saïed a mis l’accent sur le droit du peuple palestinien à disposer de son propre destin comme le prévoit le traité de Versailles, soulignant que les atrocités commises par l’entité sioniste sont « totalement inacceptables et constituent sans nul doute un crime contre l’humanité ».
Saïed renchérit : « la légalité internationale n’a de cesse de s’éroder jour après jour et n’a plus aucun sens face à la tragédie humanitaire qu’endure le peuple palestinien à Gaza et les bombardements incessants dont il est la cible ».
Face à ce qui s’apparente à un coup politique au demeurant réussi si l’on considère qu’il est destiné à marquer des points de popularité à domicile et dans le monde arabe, Massad Boulos a semblé plutôt imperturbable, tel qu’en atteste son très diplomatique Tweet sur X où il parle de « meeting constructif avec le président tunisien ».
S’il est encore trop tôt pour sonder les éventuelles répercussions de ce qui s’apparente bien à un moment de malaise, d’aucuns prédisent que la chose sera mise du côté américain sur la posture symbolique tiers-mondiste qu’affectionne le président Saïed, dans la mesure où la Tunisie continue parallèlement à cela à collaborer notamment militairement avec les Etats-Unis via des exercices conjoints, même si Donald Trump a affiché son intention en début de mandat de supprimer le commandement Africom par soucis budgétaire.
En octobre 2021, le président tunisien avait déjà convoqué l’ancien ambassadeur Donald Blome pour protester contre la tenue d’une séance parlementaire au Congrès US consacrée à la situation politique en Tunisie.
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