En Egypte, la rue retient son souffle

 En Egypte, la rue retient son souffle

La police n’a pas pour habitude d’empêcher la prière du vendredi au Caire

Depuis le 20 septembre, date anniversaire de la contestation anti Al-Sissi à l’appel de l’homme d’affaires en exil Mohamed Ali, des manifestations quotidiennes ont essaimé dans plusieurs villes en Egypte. Elles pourraient culminer en ce jour de prière du vendredi où l’armée et la police sont sur le qui-vive.  

« Pourquoi ne serions-nous pas aussi nombreux qu’à l’occasion de la prière de l’Aïd ? », se demande Mohamed Ali en haranguant ses fans

Les Égyptiens expriment en effet de plus en plus leur mécontentement, notamment contre une campagne de destruction de logements illégaux dans des faubourgs populaires démunis. C’est en effet cet épisode particulier qui a constitué cette fois l’étincelle de la reprise de la contestation. Un deuxième round que le businessman et acteur sulfureux Mohamed Ali tente de récupérer à son compte.

Ainsi des échauffourées sporadiques et localisées, mais toujours plus grandes et très médiatisées par la chaîne qatarie Al-Jazeera, ont éclaté. Nerveuses, les autorités craignent visiblement une cristallisation : des blindés ont aussitôt investi la place Tahrir. « La police est exténuée et l’armée a fait savoir à Al-Sissi qu’elle ne ferait que protéger les sites névralgiques du pays », avance Ali pour soutenir le moral de ses milliers de followers.

« Pour la énième journée consécutive, des manifestants demandent le départ du président Abdel Fattah Al-Sissi », rapporte le site lui aussi qatari Al-Araby Al-Jadid. « De nombreux défilés se sont élancés, dans plusieurs quartiers du Caire et ailleurs dans le pays. À Gizeh, ils ont réussi de s’emparer d’un véhicule blindé, et dans un village de la Moyenne-Égypte, ils ont jeté une voiture de police dans un canal. Plus de cent soixante-dix personnes auraient été arrêtées. »

 

Les prisons égyptiennes, baromètre de la contestation

Signe de la fébrilité des autorités et du climat insurrectionnel actuel, trois policiers égyptiens ont par ailleurs été tués le 23 septembre dans une tentative d’évasion de la prison de Tora au Caire. Le ministère égyptien de l’Intérieur fait également état de quatre détenus abattus. Le ministère avait évoqué l’incident dans un bref communiqué mercredi soir, en précisant que les quatre détenus tués étaient condamnés à mort pour des faits de « terrorisme ».

A Gizeh, des blindés furent même contraints de prendre la fuite face à la détermination des manifestants.

Sur un autre front, la même source rapporte que « la place Tahrir au Caire [épicentre de la révolution de 2011] a été investie par des blindés, après que des gens avaient manifesté par milliers, du Caire à Alexandrie, de Minya à Sohag et Assouan. »

« On nous indique que de nombreux cafés du centre-ville du Caire ont été fermés par la police », rapportait pour sa part le site égyptien indépendant MadaMasr dès la semaine dernière. « Les autorités craindraient qu’un match de foot puisse donner lieu à des débordements, et que cela pourrait se conjuguer avec des appels à manifester. »

 

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Seif Soudani