-80 % des migrants depuis la Tunisie vers l’Italie en 2025 : les dessous d’une baisse record

Giorgia Meloni
Depuis le début de l’année 2025, la route migratoire Tunisie – Italie connaît un effondrement sans précédent, « historique » notent certains. C’est qu’entre le 1er janvier et le 16 juillet, seuls 2.321 migrants en provenance de Tunisie ont débarqué en Italie, contre 11.083 sur la même période en 2024 : soit une chute d’environ 80 %, selon l’agence Nova.
Plus étonnant encore, cette baisse spectaculaire survient à un moment où l’arrivée globale de migrants par voie maritime en Italie a légèrement augmenté (environ +8,4 %), atteignant 33.116 personnes, bien qu’elle reste bien inférieure au pic de plus de 76.700 arrivées observé mi‑2023, ce qui vaut à l’actuel pouvoir tunisien le titre de « bon élève », attribué par des éléments de l’opposition tunisienne incrédule face à l’intérêt potentiel d’un tel zèle pour le pays.
Ce contraste dans les statistiques met également en lumière un déplacement des routes migratoires : la Libye est ainsi redevenue le principal point de départ, avec 29.610 migrants enregistrés (+66,6 %), tandis que l’Algérie et la Turquie jouent un rôle plus marginal (614 versus 451, et 571 versus 1 253 en 2024).
Force est de constater que cette redirection des flux est en grande partie liée à la coopération accrue entre Tunis et Rome, soutenue par l’Union européenne. En 2024, les suivis de Frontex ont déjà enregistré une forte contraction de la route de la Méditerranée centrale (–59 %), liée à un durcissement de la gouvernance frontalière en Tunisie et en Libye. L’accord signé en juillet 2023 avec Rome – qui comprend des fonds, la formation des garde-côtes, ainsi qu’un un plus controversé volet « rapatriement » – est souvent cité comme un facteur majeur de cette nette trajectoire.
Car concrètement, la Tunisie a en effet intensifié ses contrôles maritimes et terrestres, en multipliant les opérations policières contre les camps de migrants sub‑sahariens et en procédant à des déportations forcées, déclenchant parfois des critiques internationales : ces mesures, bien que dissuasives, ont un coût humain relativement lourd. Des ONG dénoncent « des expulsions brutales, conduisant parfois à des violations des droits fondamentaux ».
Le profil des migrants arrivant en Italie a lui aussi évolué : les nationalités les plus fréquentes sont désormais le Bangladesh, l’Érythrée, l’Égypte, le Pakistan, tandis que les Tunisiens sont beaucoup moins nombreux, avec seulement 648 ressortissants recensés. Un changement qui reflète un déplacement des contraintes : la Tunisie n’est désormais plus un foyer majeur d’émigration clandestine.
Quels impacts majeurs ?
Peut-on s’en réjouir lorsqu’on lit ces chiffres à l’aune de ceux de l’emploi et du chômage en Tunisie ? La Stratégie migratoire est certes réussie pour l’Italie : du point de vue de Rome, le repli de la route tunisienne consolide son contrôle et offre un espace politique intérieur, peut mettre en avant la droite radicale de Meloni, même si ce repli est contrebalancé par la montée de nouveaux points de départ, notamment la Libye.
Car la divergence régionale des routes migratoires cache une réalité moins reluisante : la Méditerranée centrale perd de son importance au profit de la route occidentale (Afrique de l’Ouest, Canaries) et orientale, sans que cela signifie une diminution globale des migrations. En somme, nous sommes davantage face à une redéfinition rapide et polémique des flux migratoires en Méditerranée centrale.
