Rachid Guerraoui, Al-Khwarizmi en héritage

 Rachid Guerraoui, Al-Khwarizmi en héritage

Rachid Guerraoui, figure du calcul distribué et de l’innovation technologique en Suisse et au Maroc. Photo : DR

Des terrains de football d’El Jadida aux laboratoires high-tech de la Silicon Valley, Rachid Guerraoui a tracé un brillant parcours. Sollicité par les institutions scientifiques les plus prestigieuses, ce professeur à l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL) ambitionne de rendre l’intelligence artificielle plus fiable.

À El Jadida, sur la côte atlantique marocaine, le jeune Rachid Guerraoui rêvait de devenir footballeur. « Comme Chrif et Baba, deux indomptables Doukalis, je voulais être champion d’Afrique », se souvient le directeur du Laboratoire de calcul distribué de l’EPFL.

Issu d’une famille d’enseignants, il hérite de son père la passion des chiffres et des chansons de Jacques Brel. Mais c’est un professeur de lycée, Monsieur Chakir, qui marque durablement son esprit en répétant : « Il faut toujours comprendre ce qui se passe dans la tête du théorème. » Après le bac, sur les conseils avisés de son oncle, il choisit l’informatique plutôt que les mathématiques. « Je n’avais pourtant jamais vu d’ordinateur », assure-t-il.

En 1984, il débarque à Paris et obtient quelques années plus tard un doctorat à l’Université d’Orsay. La Silicon Valley lui ouvre grand les bras, le voilà chez Hewlett-Packard puis au MIT à Boston. Là, la chercheuse Nancy Lynch, figure du calcul distribué, l’accueille dans son laboratoire. Ce beau parcours n’a pourtant pas été sans obstacles : climat parfois hostile, refus de logement liés à son patronyme, démarches de visas interminables… Mais Rachid Guerraoui préfère retenir les rencontres fécondes et les mentors qui l’ont soutenu, comme le professeur Pitrat à Paris.

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Spécialiste de l’algorithmique répartie, il conçoit des méthodes permettant de diviser un calcul entre plusieurs ordinateurs. Objectif : rendre les traitements plus fiables, rapides et collaboratifs. Applications concrètes de tels travaux ? Des blockchains efficaces et sobres en énergie et une intelligence artificielle robuste, capable de résister aux attaques et aux données manipulées, enjeu crucial dans un monde où l’IA occupe une place croissante.

Parmi ses projets, le plus cher à son cœur reste la création du College of Computing à l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P). Sa façon à lui de ne pas oublier d’où il vient. Avec l’appui de l’OCP et d’autres chercheurs marocains expatriés, ce quinqua a bâti un centre de recherche et une école d’ingénieurs à Ben-Guerir, où l’intelligence artificielle est au cœur des priorités, tandis qu’à Rabat, la cybersécurité est à l’honneur. Un moyen de préparer le Maroc à devenir une référence internationale. Il y veille personnellement, sans oublier d’ouvrir la voie à ceux qui, après des études à l’étranger, souhaitent revenir enseigner au pays.

Toujours tourné vers l’avenir, il poursuit ses recherches à Lausanne pour fiabiliser l’IA. Attaché à la transmission, ce lauréat du prix du meilleur professeur pour son enseignement à l’EPFL ouvre son laboratoire suisse aux jeunes chercheurs, notamment ceux de la diaspora. Nul doute qu’il fait germer en eux la graine de la curiosité semée par Monsieur Chakir : « comprendre ce qui se passe dans la tête d’un théorème ».

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