Prix Albert Londres. Palestiniens : « No pasarán »

 Prix Albert Londres. Palestiniens : « No pasarán »

Photo by Dominique FAGET / AFP

C’est beau, c’est bien écrit et ça a l’air presque émouvant : le texte de présentation du Prix Albert Londres commence bien. « Il y a d’abord Beyrouth, Beyrouth est une ville heureuse », écrit Albert Londres en novembre 1919. Mais l’histoire en décida autrement. Quand le journaliste est revenu dans la région dix ans plus tard, les mots massacres et assassinats se sont imposés sous sa plume. Le conflit israélo-palestinien voyait ses premières victimes.

« Deux foyers nationaux pour la même terre, c’est la guerre », terrible constat établi par le journaliste en 1929. Déjà ! Près de cent ans plus tard, la tragédie est massive. Informer est un enjeu vital malgré les bombes, malgré les murs. Le Prix Albert Londres se devait d’aller y voir — le propre du reportage, en somme.

Jusque-là, rien à dire : le raisonnement est cousu de fil blanc. Mais là où ça reste en travers de la gorge, c’est qu’on attend avec ferveur la suite, surtout qu’à quelques kilomètres de là, Gaza brûle — et ses enfants avec. Mais quand on voit la liste des noms des journalistes, dont certains sont appelés à succéder à Lorraine de Foucher, Antoine Védeilhé et Germain Baslé, Martin Untersinger, les gagnants du cru 2024, on reste sans voix.

C’est quoi, le scandale ? C’est que, sur les listes des heureux élus qui auront le privilège de postuler, il n’y a pas un seul journaliste palestinien, même pas un seul nom à connotation arabe. Et pourtant, ils sont déjà plus de 210 journalistes palestiniens à avoir été assassinés par « l’armée la plus morale du monde » à Gaza, selon l’organisation Reporters sans frontières (RSF), comme l’a souligné le 22 octobre Antoine Bernard, directeur du plaidoyer et de l’assistance à RSF.

Parmi les journalistes étrangers qui couvrent le drame humanitaire de Gaza sans pouvoir pénétrer dans l’enclave, il n’y en a pas un seul qui mérite d’être mis en avant ? Selon l’Association de la presse étrangère, le gouvernement israélien empêche les journalistes de « remplir leurs devoirs journalistiques » et entrave « le droit du public à l’information ».

Depuis le début de la guerre, Israël a verrouillé l’accès à Gaza, et le prix en hommage au journaliste français Albert Londres (1884-1932), génie du grand reportage moderne, en serait sorti grandi, si ses promoteurs avaient saisi leur courage à deux mains pour crier au visage des génocidaires d’Israël qu’il était plus que temps d’arrêter les violations sans précédent de la liberté de la presse, de lever le blocus sur les journalistes et de laisser parler l’horreur de Gaza dans les écrits et les caméras des correspondants de guerre, dont la grande majorité sont des journalistes palestiniens « qui ont risqué leur vie pour fournir sans relâche des reportages courageux depuis Gaza », selon les termes mêmes de l’association. Juste en provoquant le destin avec quelques noms de journalistes palestiniens.

C’est vrai, il y a bien une Arabe dans le lot : Rachida Dati. Mais elle fait partie des accusés dans le documentaire — très bien mené, par ailleurs — de Louis Milano-Dupont et Élodie Delevoye : Rachida Dati, la conquête à tout prix (France 2, 58’). Comme dans les bons films français, où l’acteur arabe (demandez à Saïd Taghmaoui) a toujours un rôle de délinquant qui, d’ailleurs, lui va comme un gant.

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