Tunisie. L’UGTT décrète la grève générale pour le 21 janvier

Des officiels de l’UGTT se recueillent devant le cercueil du leader syndical Farhat Hached, en présence de sa fille Farah
L’Union générale tunisienne du travail (UGTT) a officiellement enclenché ce vendredi 5 décembre une nouvelle épreuve de force avec le gouvernement. Réunie en session extraordinaire, la commission administrative nationale a décidé, à l’unanimité, d’appeler à une grève générale le 21 janvier 2026. Une date qui s’annonce comme un tournant dans les relations déjà tendues entre la centrale syndicale et l’exécutif.
Selon le communiqué final, cette grève est décrétée « en défense des droits et des libertés, du droit syndical, du droit à la négociation salariale et du principe même du dialogue social », en panne après 18 correspondances adressées au gouvernement restées lettres morte. Des revendications qui reflètent le climat de crispation installé depuis plusieurs mois, marqué par des blocages dans les discussions salariales et par une série de mesures perçues par l’UGTT comme une remise en cause de son rôle historique.
La main tendue n’est plus d’actualité
Jeudi, en marge de la marche organisée à Tunis pour commémorer le 73ᵉ anniversaire de l’assassinat du leader syndical Ferhat Hached, le secrétaire général de la centrale, Noureddine Tabboubi, a tenté de désamorcer la lecture strictement conflictuelle de l’annonce. Il a ainsi affirmé devant les journalistes que l’UGTT « reste ouverte au dialogue » et qu’elle n’a « jamais fermé la porte à une négociation sérieuse avec le pouvoir ». Une manière de maintenir la pression tout en laissant la possibilité d’une sortie de crise, alors que l’opinion publique traverse une période d’incertitude sociale et économique marquée par la dégradation du pouvoir d’achat.
Mais pour la centrale syndicale, l’enjeu dépasse les seules augmentations salariales. Ses dirigeants dénoncent un « recul préoccupant » du cadre général des libertés publiques, ainsi qu’une marginalisation progressive des partenaires sociaux dans l’élaboration des politiques publiques. Le choix de fixer la grève générale plus d’un mois à l’avance n’est pas anodin : il vise à offrir au gouvernement une fenêtre de négociation, tout en instaurant un rapport de force clair.
Du côté de l’exécutif, aucune réaction officielle n’avait été publiée au moment de l’annonce. Mais plusieurs sources gouvernementales laissent entendre que l’organisation d’un nouveau cycle de rencontres pourrait être envisagée, tandis que les plus irréductibles soutiens de l’actuel pouvoir appellent le président Saïed à « déployer l’armée » en cas d’exécution de « la grève de trop ».
Reste à savoir si les deux parties pourront s’entendre sur un terrain commun, alors que la centrale syndicale multiplie ses mises en garde contre toute tentative de « contourner » ou « affaiblir » le dialogue social institué depuis des décennies.
À moins d’un compromis de dernière minute, le pays pourrait donc connaître, le 21 janvier, une paralysie d’ampleur nationale. Un scénario que l’UGTT présente comme un ultime recours pour défendre son rôle dans la vie publique et préserver ce qu’elle considère comme des acquis essentiels. Le bras de fer ne fait que commencer, mais l’annonce de la grève marque déjà une nouvelle étape dans la recomposition délicate des relations entre l’État et la première organisation syndicale du pays.
Signe que les autorités ne comptent pas faiblir dans leur agenda judiciaire, la veille de ces annonces syndicales qui contenaient un volet politique, une icône historique de l’opposition, Ahmed Nejib Chebbi, était arrêté à son domicile en vue de l’exécution d’une peine de prison par contumace de 12 ans ferme dans l’affaire du complot contre la sûreté de l’Etat.
