Il y a 39 ans, Malik Oussekine mourait sous les coups de la police

Des passants lisent des articles de presse et des affiches, le 11 décembre 1986, devant l’immeuble du 20, rue Monsieur-le-Prince (Paris 6ᵉ), où Malik Oussekine a été passé à tabac dans le hall avant de succomber à l’hôpital Cochin dans la nuit du 5 au 6 décembre. MARIO GOLDMAN / AFP
Lorsque Charles Pasqua meurt le 29 juin 2015, beaucoup repensent immédiatement à Malik Oussekine. À ce jeune étudiant de 22 ans, matraqué à mort par deux « voltigeurs motoportés » dans le hall d’un immeuble du 20, rue Monsieur-le-Prince, à Paris, dans la nuit du 6 décembre 1986.
À l’époque, Pasqua est ministre de l’Intérieur. Nombreux sont ceux qui auraient voulu voir l’ex-« premier flic de France » répondre devant la justice. Il n’en sera rien. Aucun juge ne le poursuivra pour cette affaire.
Quant aux deux policiers directement impliqués, le brigadier Jean Schmitt, 53 ans, et le gardien Christophe Garcia, 26 ans, ils n’effectueront jamais un seul jour de prison.
Traduit devant la cour d’assises de Paris en 1989 pour « coups et blessures ayant entraîné la mort sans intention de la donner », le duo est condamné en janvier 1990 à cinq ans et deux ans de prison… avec sursis.

Rappel des faits
Dans la nuit du 5 au 6 décembre 1986, en plein bras de fer entre le gouvernement et le mouvement étudiant, Malik Oussekine est violemment passé à tabac dans le hall d’un immeuble où il avait cherché refuge.
Étudiant à l’École supérieure des professions immobilières (ESPI), il souffrait de graves problèmes rénaux nécessitant trois dialyses par semaine.
Le lendemain de sa mort, Robert Pandraud, alors ministre délégué à la Sécurité, lâche cette phrase glaçante : « Si j’avais un fils sous dialyse, je l’empêcherais d’aller faire le con la nuit. »
Fragile, Malik se tenait habituellement à distance des rassemblements. Mais, selon certains de ses amis, il avait choisi cette fois de se rendre à la manifestation.
Les étudiants exigeaient alors l’abandon du projet de loi Devaquet, qui instaurait une sélection à l’entrée de l’université.
Le seul témoin direct du drame, Paul Bayzelon, fonctionnaire au ministère des Finances et habitant de l’immeuble, raconte :
« Je rentrais chez moi. Au moment de refermer la porte après avoir composé le code, je vois un jeune homme affolé. Je le fais entrer et je veux refermer la porte. Deux policiers s’engouffrent dans le hall. Ils se précipitent sur celui qui s’est réfugié au fond et le frappent avec une violence incroyable. Il est tombé, ils ont continué à frapper, à coups de matraque et de pieds, dans le ventre et dans le dos. La victime répétait seulement : “Je n’ai rien fait, je n’ai rien fait.” »
En tentant de s’interposer, Bayzelon est lui aussi frappé, jusqu’à ce qu’il montre sa carte de fonctionnaire. Les policiers quittent alors les lieux. Malik Oussekine, lui, est déjà mort.
Le lendemain, Alain Devaquet, auteur du projet de loi contesté, présente sa démission. Les étudiants défilent dans un silence lourd, portant des pancartes : « Ils ont tué Malik. »
Le lundi 8 décembre, après de nouvelles manifestations massives, le Premier ministre Jacques Chirac annonce le retrait du texte.

