In the fade : Le combat d’une mère

 In the fade : Le combat d’une mère

Crédit photo : Gordon Timpen


MAGAZINE JANVIER 2018


Le dernier film de Fatih Akin narre la douleur d’une mère, dont le fils et le mari sont assassinés par des néonazis. Diane Kruger, prix d’interprétation féminine au Festival de Cannes, y est remarquable. 


L’affiche de In the Fade ressemble à cette célèbre image de Taxi Driver, de Martin Scorsese : tête et regard baissés, mains engoncées dans les poches de son blouson, l’actrice allemande Diane Kruger marche dans une ville, murée dans la solitude de son tourment. Si le héros de Scorsese (Robert De Niro) avait comme dessein de s’imposer justicier en éliminant les criminels de New York, ici, le personnage de Katja (Diane Kruger) est confronté au dilemme de la loi du talion : peut-on se faire justice soi-même quand l’Etat ne punit pas les ­coupables qui ont assassiné vos proches ?


 


Librement inspiré d’une histoire vraie


Présenté en compétition au dernier Festival de Cannes, le nouveau film du réalisateur germano-turc Fatih Akin explore le cheminement d’un deuil : Katja perd son fils et son mari Nuri, d’origine turque, dans un attentat à la bombe perpétré par un couple de néonazis, à Hambourg. Le scénario est librement inspiré des crimes commis en Allemagne contre des immigrés turcs entre 2000 et 2007 par des membres du groupuscule néonazi NSU. Le procès de la seule survivante des actes de ces extrémistes criminels est d’ailleurs toujours en cours. Cette affaire a provoqué un scandale car la police a soupçonné à tort les victimes d’être responsables de leurs propres assassinats… “Parce qu’elles sont d’origine turque ou kurde, les victimes étaient forcément suspectes, liées au trafic de drogue ou à la mafia. Ça me ­révolte, on les a tuées deux fois”, s’insurge le cinéaste.


 


Immersion dans les mouvements racistes


A la fois drame familial, thriller politique, compte rendu de procès, cette tragédie est construite en trois parties : “Famille”, “Justice” et “Mer” (cette dernière étant une métaphore poétique de la mort). In the Fade dépasse les problématiques communautaires et sociétales. Le crime raciste est détaché d’analyses socio-­politiques ou historiques. “La perte, le deuil, la vengeance ne sont pas des notions qui varient selon la culture ou la nationalité. (…) C’est un film sur la souffrance d’une mère et sur le conflit entre justice d’Etat et la justice personnelle.”


Le film ausculte la trajectoire d’une douleur extrême, insoutenable. La pulsion de vengeance face à une profonde injustice, à des terroristes lâches, mutiques, qui ne montrent aucune repentance ou empathie, acquittés faute de preuves irréfutables. In the Fade évoque la globalisation qui effraie et engendre aussi le repli sur soi, la peur de l’autre. Il met aussi en lumière l’organisation en réseau des mouvements racistes, fascistes, illustrée par l’alliance du parti grec d’extrême droite Aube ­dorée avec les néonazis allemands.


Diane Kruger porte le film sur ses épaules, toujours juste, intense, incarnant avec nuances et force viscérale les méandres de ces états d’âme douloureux, proches de l’asphyxie psychique, émotionnelle. L’actrice, qui confie que ce film “a failli la tuer”, a été justement récompensée par un prix d’interprétation à Cannes.



IN THE FADE


de Fatih Akin, Pathé Distribution.


Avec Diane Kruger, Denis Moschitto, Numan Acar


Durée  : 1 h 46.

La rédaction du Courrier de l'Atlas