De Villiers : l’islamophobie comme programme

Photo BERTRAND GUAY / AFP
Operation truth, « opération Vérité », nous avons inventé ce néologisme pour désigner un travail de décryptage de grande ampleur censé, en cas de besoin, démonter une grosse opération de désinformation ou mettre à jour les véritables motifs qui sont derrière une décision majeure prise par une puissance, un pays, un organisme ou un groupe d’individus influents dont les explications ne sont pas celles qui sont mises en avant.
La plupart des médias se sont gargarisés du nombre de million et demi de « signatures » récoltées en un peu plus d’une semaine, par la pétition de Philippe de Villiers réclamant un « référendum sur l’immigration ». Tout d’abord, rendant à César ce qui appartient à César, le quotidien Le Monde a été un des rares médias français à prendre la peine de vérifier l’authenticité et la valeur de cet enthousiasme populaire, pour ne pas dire populiste, de ce texte apocalyptique et xénophobe, qui fait allusion à la théorie du « grand remplacement ».
Le pseudo-succès de la pétition a été mis à plat par Le Monde, qui a dénoncé un procédé qui n’empêche pas une personne ou un robot de signer plusieurs fois. « Nous avons ainsi pu voter à de multiples reprises avec des adresses très variées, chacune de nos signatures étant validée par le site. À l’inverse de ce que pratiquent des plateformes de pétition comme Change.org, aucun e-mail n’est envoyé pour valider une signature : il est ainsi possible de faire voter n’importe quelle personne dont vous connaissez l’adresse e-mail. Un membre de votre famille, un collègue, un député ou un président de la République en exercice », écrit le quotidien de la rue des Italiens.
Depuis le retour de Trump au pouvoir, les nouveaux milliardaires qui se sont enhardis jusqu’à se proclamer sauveurs de l’humanité, maniant sans complexe une idéologie qui a remplacé les appels à s’enrichir sans se soucier des autres par un autre combat : celui des évangéliques américains, décidés à en découdre avec l’ennemi héréditaire, l’islam, le musulman qu’il soit immigré ou nouveau converti. Ce qui vaut aux États-Unis avec des leaders comme Donald Trump, Elon Musk ou Rupert Murdoch, vaut désormais pour les Bolloré, les Stérin et autres Dassault : le combat contre la démocratie, le pluralisme, la liberté de la presse et les droits humains ne sortant pas de cette ligne de front.
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On fait souvent semblant d’oublier que Philippe de Villiers, le président du Mouvement pour la France (MPF), n’a aucune épaisseur politique et ne peut même pas mobiliser plus d’une centaine de militants qui croient vraiment en lui, mais que le personnage est un opportuniste hors pair lorsqu’il s’agit de surfer sur une vague médiatique. Or, ce qui fait vendre aujourd’hui, c’est bien l’islamophobie. Qui se rappelle qu’en 2006, l’homme avait osé échafauder toute une théorie de complot islamiste avec un livre, baptisé Les Mosquées de Roissy ?
S’appuyant sur de pseudo-rapports confidentiels que personne n’est en mesure de vérifier (la direction centrale des RG a pris ses distances avec ce texte, assurant qu’il ne correspond pas au contenu habituel des notes ou rapports émanant de ses agents), il soutenait l’idée que les islamistes avaient infiltré les services de sécurité de l’aéroport de Roissy.
Agitant la peur d’une guerre sainte, le candidat à la présidentielle de l’époque en profitait pour dépeindre, tout au long de son livre, une France qui « se couvre de mosquées » et « bascule » dans le communautarisme, un État « aveugle » et une classe politique « laxiste », prisonnière du politiquement correct et qui n’a « jamais eu le courage d’endiguer la lame de fond » de l’immigration.
Même s’il suscite la polémique, le rejet de l’islam lui permet d’occuper le devant de la scène : un de ses thèmes de prédilection. Une constance chez l’ancien eurodéputé, devenu le porte-parole des thèses complotistes d’extrême droite les plus délirantes, s’exprimant sans réserve sur des médias de la « fachosphère » comme le site Fdesouche ou proches de ces milieux, tels que Boulevard Voltaire ou la chaîne de « réinformation » TV Libertés.
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Pas bête, Philippe de Villiers n’hésite pas à caresser dans le sens du poil tous ceux qui ont aujourd’hui le vent en poupe, les évangéliques qui gravitent autour de Trump, en dénonçant la culture woke, n’hésitant pas à s’en prendre au pape François le lendemain de son décès. En guise d’hommage posthume, Villiers s’en est pris au chef de l’Église, accusé d’être, « en tant que chef d’État, le pape François de toiser la France, lui témoignant à plusieurs reprises du mépris alors qu’il voyait d’un bon œil le multiculturalisme et l’islamisation de l’Europe, et en tant que chef d’Église, il a persécuté les chrétiens attachés à la tradition de l’Église de notre enfance. C’était un pape woke, le pape des minorités, des périphéries » !
Avec la communauté juive, Villiers va encore plus loin et n’hésite pas à interpeller les Israéliens sur I24 : « Je dis aux Juifs et aux Chrétiens, qui se trouvent embarqués dans la même galère, car quand les premiers sont visés, les seconds ne savent pas qu’ils sont juste derrière. Je leur dis : soyez conscients que dans l’histoire de l’humanité, à chaque fois que l’islam s’est installé quelque part, ça s’est toujours très mal terminé » !
En 2006, le candidat à l’élection présidentielle de 2007 avait perdu toute mesure en s’adressant directement à la communauté juive de France dans les médias israéliens, faisant dire à Israël Magazine : une « Villierisation d’une partie de plus en plus grande de la communauté juive ». Dans sa logorrhée préélectorale, Villiers n’hésitait pas à taper sur l’islam, faisant l’amalgame entre cette religion et le conflit politique israélo-palestinien.
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