Pascal Boniface, l’écoeurement face aux amalgames

 Pascal Boniface, l’écoeurement face aux amalgames

crédit photo : Martin Bureau / AFP


MAGAZINE JANVIER 2018


Pour le directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), le rapport à la question palestinienne demeure une ligne de clivage structurante du débat public. 


Début octobre, Le Figaro Magazine glissait Pascal Boniface, 61 ans, dans sa liste des “agents d’influence de l’Islam”. Une ­“islamosphère” pour le moins improbable dans laquelle le directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) côtoie Jean-Louis Bianco, Rokhaya Diallo, Caroline De Haas, Benoît Hamon, Edgar Morin, Danielle Obono, Edwy Plenel, ­Philippe Poutou, Tariq Ramadan ou encore Emmanuel Todd. “Ma présence dans cette liste m’inspire un double sentiment, confie Pascal Boniface. D’une part, la fierté d’être en si bonne compagnie, avec des gens comme Edwy Plenel ou Edgar Morin, par exemple, mais aussi un peu d’écœurement face aux amalgames, aux pratiques et au manque de professionnalisme d’une certaine presse.”


Comment le fondateur et dirigeant d’un think tank de géopolitique dans lequel œuvrent de nombreux chercheurs reconnus est-il devenu l’une des cibles favorites de cette “certaine presse” et de quelques figures “intellectuelles” (Caroline Fourest, Pascal Bruckner…) ou politiques (Manuel Valls…) ? Il y a certes cet ouvrage écrit en 2011, Les Intellectuels faussaires(1), où il débusquait et épinglait férocement les “experts en mensonge” du débat médiatique. “Ça n’a pas plu à tout le monde”, commente-t-il. Mais il y a surtout la question palestinienne : “Ce qui m’est reproché depuis fort longtemps, ce sont mes positions sur le Proche-Orient.”


 


Fracture entre les “faussaires” et les “intègres”


En 2003, ses critiques de la ligne complaisante du Parti socialiste vis-à-vis de la politique israélienne (il publie cette année-là chez Robert Laffont Est-il permis de critiquer Israël ?) nourrissent tensions et inimitiés dans le parti, et il finit par quitter la rue de Solférino, après vingt trois ans de militantisme. Quatorze ans après, pour lui, aucun doute, l’importation en France du conflit israélo-palestinien est l’une des matrices de “la fracture entre intellectuels faussaires et intègres” dans le débat public français. “Comme il est bien difficile aux soutiens de la politique israélienne de défendre l’occupation avec des arguments et des principes de justice, résume-t-il. Ils ont systématiquement recours à l’attaque et à la diabolisation de l’adversaire dans les débats.”


 


Valoriser le dialogue “intercommunautaire”


Pascal Boniface, à qui il est parfois reproché d’intervenir sur trop de sujets (le nucléaire, le conflit israélo-palestinien, le football, Léo Ferré..), assume une conséquente production écrite : 70 livres (dont des directions d’ouvrage collectif) depuis 1986. Certains, à l’instar de Don’t Panik(2), écrit à deux mains en 2012 avec le rappeur Médine, témoignent de sa volonté de valoriser le dialogue “intercommunautaire”. D’autres, comme Les Intellectuels intègres(3), où il rend hommage à des ­figures comme Jean Baubérot, Rony Brauman, Esther Benbassa ou Jean Ziegler, saluent des engagements humanistes et ­rigoureux. Un peu le camp adverse des “faussaires”. “Le fait est que j’ai toujours combattu pour l’égalité des droits et que je suis attaqué depuis quelques années par des gens qui, eux, ne sont pas de ces combats”, conclut-il. 


(1) Les Intellectuels faussaires. Le triomphe médiatique des experts en mensonge (éd. Jean-Claude Gawsewitch, 2011).


(2) Don’t Panik (éd. Desclée de Brouwer, 2012).


(3) Les Intellectuels intègres (éd. Jean-Claude Gawsewitch, 2013).


 


La suite du dossier : 


"Halte à la diabolisation !" lance Thomas Guénolé


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Emmanuel Rionde