Douze ans de prison pour Abir Moussi dans l’affaire du “Bureau d’ordre”

 Douze ans de prison pour Abir Moussi dans l’affaire du “Bureau d’ordre”

La cour d’assises du tribunal de première instance de Tunis a rendu, vendredi soir 12 décembre 2025, un jugement lourd de conséquences pour l’avocate et présidente du Parti destourien libre (PDL), Abir Moussi. Selon des informations confirmées par plusieurs sources judiciaires, la cheffe du parti d’opposition a été condamnée à douze ans de prison, tandis que Mariem Sassi, également poursuivie dans le même dossier, a écopé de deux années de prison.

 

Moussi comparaissait en état de détention devant la chambre criminelle, qui la jugeait pour des faits qualifiés de “desseins visant à changer la forme de l’État”, une accusation inscrite dans le cadre de l’affaire désormais connue sous le nom de “Bureau d’ordre de la présidence”. La décision intervient après plus d’un an d’une procédure marquée par des rebondissements, dans un climat politique particulièrement tendu.

 

Un dossier qui remonte à 2023

L’affaire avait éclaté début octobre 2023, lorsque Abir Moussi s’était rendue au Bureau d’ordre central de la présidence de la République, au palais de Carthage, pour y déposer des recours contre les décrets-lois promulgués à l’époque par le président de la République Kaïs Saïed, relatifs aux nouvelles délimitations des circonscriptions électorales.

L’accès au Palais de Carthage tout comme une décharge administrative officielle lui avait alors été refusé, provoquant une altercation avec les agents de sécurité : la leader politique destourienne, connue pour ses coups de force médiatiques spectaculaires, avait brandi son smartphone pour documenter comme à son habitude l’incident, ce qui mettait en danger l’intégrité de certains agents de la Garde présidentielle présents sur place, a estimé la plainte contre elle.

Quelques instants plus tard, elle avait été arrêtée, avant d’être placée en détention préventive et que d’autres affaires judiciaires ne la rattrapent. Dans le procès jugé depuis hier, les autorités lui reprochaient donc d’avoir tenté de forcer l’accès et d’avoir utilisé un enregistrement vidéo de la scène pour, selon l’instruction, « mobiliser ses partisans et exercer une pression politique sur les institutions ». L’infraction retenue – « attentat ayant pour but de changer la forme du gouvernement » – est l’une des plus graves du Code pénal tunisien, bien que rarement mobilisée dans les dernières décennies, passible de la peine de mort.

 

Détention prolongée et critiques nationales et internationales

Depuis son arrestation, plusieurs audiences avaient été reportées, prolongeant sa détention et alimentant les critiques des organisations de défense des droits humains, qui dénonçaient un procès “politique” et “instrumentalisé”. Le PDL, de son côté, affirmait que Moussi était victime d’un “acharnement” visant à neutraliser une opposante particulièrement virulente, jadis placée comme seule adversaire sérieuse d’après les sondages, jouissant du soutien des forces nostalgiques du bourguibisme et de l’ancien régime bénaliste.

La présidence et le gouvernement avaient toujours rejeté ces accusations, soutenant que la justice agissait “en toute indépendance”. En s’ajoutant à d’autres verdicts en appel tout aussi lourds concernant d’autres leaders de l’opposition, et même si ce verdict fera en l’occurrence l’objet d’un appel, il rebat toutefois les cartes politiques.

Une condamnation d’une femme politique de cette envergure à 12 ans de prison, le 12ème jour du 12ème mois, constitue un tournant pour la vie politique tunisienne. Car Abir Moussi, qui s’était imposée comme la figure de l’opposition frontale à Kaïs Saïed depuis 2021, se trouve désormais durablement écartée du jeu politique. Le PDL, fort d’une armée d’avocats qui espérait capitaliser sur son poids électoral et son implantation nationale, devra maintenant décider de sa stratégie, alors que sa dirigeante reste incarcérée. Reste à savoir si le comité de défense se retirera définitivement vers un boycott ou déposera un recours dans les prochains jours.