Calais : Après le Défenseur des droits, la Contrôleuse des prisons pointe les manquements graves de l’État

 Calais : Après le Défenseur des droits, la Contrôleuse des prisons pointe les manquements graves de l’État

Le rapport de la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté est accablant pour les autorités. Denis Charlet/AFP


Depuis octobre, « le placement en rétention administrative est utilisé non pas aux fins d’organiser le retour dans les pays d’origine », mais « dans le seul objectif de déplacer plusieurs centaines de personnes interpellées à Calais », où le bidonville a compté jusqu'à 6 000 migrants, écrit la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté (CGLPL), Adeline Hazan, dans ses recommandations.


 


Détournement des procédures et violations de droits


In fine ce recours aux Centres de rétention administrative (CRA) vise à « désengorger Calais », ajoute la contrôleuse dans cet avis daté du 13 novembre, et publié cette semaine au Journal officiel avec la réponse du ministre de l'Intérieur. « Il s’agit là d’une utilisation détournée de la procédure qui entraîne des atteintes graves aux droits fondamentaux des personnes ainsi privées de liberté », ajoute Mme Hazan, qui « recommande qu’il y soit mis fin ».


Des mises en cause contestées par le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve, qui parle dans sa réponse de « dispositif temporaire » dans un contexte « de pression migratoire d'une ampleur inédite », et assure que les placements sont réalisés « dans le strict respect des garanties juridiques ». « Tous les étrangers placés en CRA ont vocation à être éloignés », affirme le ministre, pour qui « la concomitance d'actions de lutte contre l'immigration irrégulière et de sécurisation » de zones sensibles à Calais (port ou tunnel) « ne caractérise pas » un détournement de procédure, mais illustre « un traitement global et coordonné » d'une situation « posant de graves difficultés ».


Les chiffres tendraient à corroborer l’analyse de la CGLPL : selon ses chiffres, 779 personnes ont été éloignées de Calais pour un placement en CRA entre le 21 octobre et le 10 novembre, dont 578 libérées, 186 encore retenues et 15 réadmises vers un pays de l'Union européenne. Le ministère parle pour sa part de 1 226 mesures avec placement en CRA et 120 éloignements effectifs au 29 novembre.


 


Conditions de détention attentatoires à la dignité humaine


Après des visites au commissariat de Coquelles (Pas-de-Calais) et dans les CRA de Nîmes et de Vincennes, Mme Hazan dénonce « des atteintes au droit au maintien des liens familiaux » et un « accès insuffisant aux droits et à l'information ».


Elle dénonce aussi, à Coquelles, « des conditions indignes », puisque le jour de la visite les migrants étaient entassés « parfois jusqu'à quatre par cellule », avec un « nombre insuffisant de couvertures » et l'obligation « d'utiliser les WC en présence de cocellulaires, situation attentatoire au respect de la dignité humaine ».


 


Le gouvernement dénoncé de toutes parts


Le constat, sévère, de la contrôleuse rejoint celui des associations (Cimade, Gisti…), qui ont encore dénoncé mardi dans une lettre au Premier ministre une « gestion industrialisée » des placements en CRA et des « violations répétées des textes ». Il intervient deux semaines après la condamnation du Conseil d'État, qui a confirmé l'obligation pour les pouvoirs publics à procéder à des aménagements sanitaires sur la « Jungle ».


En octobre, c’était au tour du Défenseur des droits de rendre un rapport à charge contre la gestion par les autorités de la situation à Calais. Jacques Toubon dénonçait alors « les atteintes aux droits fondamentaux des exilés à la frontière franco-britannique » et appelait à « accueillir ces hommes, ces femmes et ces enfants dans le respect effectif des droits fondamentaux que la France s’honore de leur reconnaître ».


Rached Cherif

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