Bouchra Bayed, un tremplin pour le Maroc

 Bouchra Bayed, un tremplin pour le Maroc

archives personnelles de Bouchra Bayed


Native de Casablanca, cette jeune consultante en banque et assurance préside l’association Maroc Entrepreneurs, quand elle ne se consacre pas à des actions humanitaires. Une hyperactive engagée, qui a trouvé son équilibre dans le don de soi. 


Plutôt réservée, Bouchra Bayed a dû forcer sa nature pour accepter de se mettre en avant. “Ce sont les conférences qui m’ont aidée. Quand j’étais au pôle ‘networking’ de Maroc Entrepreneurs, j’étais timide. C’est en étant ­modératrice de débats, puis présidente, que je suis devenue plus à l’aise devant une assistance”, confie-t-elle. La brune de 27 ans préside en effet depuis février 2017 l’asso­ciation Maroc Entrepreneurs, qu’elle a rejointe il y a sept ans. Aujourd’hui, elle en est le “visage”, celle qui gère le “cœur” du réacteur.


Née en 1999 de la volonté d’étudiants et d’entrepreneurs de mettre en place un réseau pour ceux qui ­souhaitaient développer leur business au Royaume, l’institution a su, au fil des années, devenir un acteur incontournable pour les Marocains résidant à l’étranger (MRE). “Nous comptons 12 000 adhérents, 20 bénévoles et des liens solides avec les institutionnels : la Confédération ­générale des entreprises du Maroc (CGEM), la banque BMCE, les ministères, l’ambassade du Maroc en France… détaille Bouchra. Nous avons su convertir des projets sur le ­papier en entreprises durables.”


 


De l’idée à la concrétisation


Medina Telecom, Cadolik, Afrikwity, ethicPhone… Des réussites accompagnées depuis l’Hexagone par le biais du programme de création d’entreprise Tremplin ­Maroc. Au fil de 12 séances, l’association trouve les bons interlocuteurs et permet de ne pas commettre d’erreurs. “Nous voulons veut être un catalyseur, un pont entre la France et le Maroc pour passer de l’idée à la concréti­sation, précise Bouchra Bayed. Nous n’avons pas de ­domaine de prédilection ni de profil type. Beaucoup de Français ou d’Africains nous sollicitent. Tous peuvent participer au Tremplin que nous organisons annuellement. Pour cela, ils doivent s’engager à établir leur société au Maroc à court terme et suivre une formation à Paris. Près de 60 projets ont déjà vu le jour depuis 2007.”


 


Les femmes de plus en plus entreprenantes


Ces derniers touchent à l’innovation, aux nouvelles technologies, aux services et, plus récemment, à l’industrialisation et à la mécanisation. La jeune femme n’est pas peu fière de cette diversité, même si cette fille d’entrepreneurs marocains ne s’est pas encore jetée dans le grand bain. “Je suis heureuse d’avoir pu gérer des équipes à 27 ans et d’assurer la pérennité de l’association, son image et son héritage. En ce qui concerne mon projet, il est en pleine maturation.”


Si elle n’a pas (encore) franchi le pas, elle remarque que les femmes sont de plus en plus entreprenantes. “Il y en avait peu quand je suis arrivée dans l’association. Dorénavant, elles osent. La lauréate de l’année dernière, Sara Bouchikhi, a créé Wastenergy, qui permet de créer de l’énergie grâce aux déchets. Ce sont soit des diplômées de grandes écoles, soit des femmes de 30-35 ans qui, après une belle expérience, veulent aussi participer au développement du Maroc ou de l’Afrique. Comme elles, je sens que je peux être utile.”


Ce lien “fort et immatériel” avec son pays d’origine ­résulte de sa volonté de toujours le faire avancer “de manière positive” et “d’apporter sa pierre à l’édifice”. Il faut dire que c’est presque une seconde nature pour celle qui se définit volontiers comme une hyperactive.


Engagée, elle l’est aussi. A 17 ans, elle a commencé à prendre part à des actions humanitaires, en aidant les personnes en difficulté dans les hôpitaux ou atteintes d’Alzheimer. “Dès mon enfance, j’ai appris à apporter aux autres, à ceux qui n’ont pas”, affirme-t-elle. Un don de soi qui ne s’est pas tari lors de son alternance. “Je donnais des cours payants de physique et de mathé­matiques, mais aussi des cours gratuits à des enfants d’immigrés des quartiers populaires.”


 


Coopération générationnelle


Châlons-en-Champagne, Reims, Rouen, Le Havre, ­Paris : partout où elle passe, Bouchra Bayed n’oublie pas en route son leitmotiv, celui d’aider son prochain. Ainsi, elle contribuera à un projet de construction d’écoles et d’orphelinats à Madagascar avec l’association Zazasoa. En juillet 2014, elle passe même son mois de vacances, pendant le ramadan, à préparer des repas pour les gens du CHU ou de la maison de retraite d’Aïn Chock à Casablanca. Elle en tirera son ­sujet de mémoire : la coopération intergénérationnelle et ses apports bénéfiques dans l’entreprise.


“Il est important de nous soucier de nos aînés, car ils ont quelque chose à nous apporter, explique la jeune femme. En entreprise ou dans la vie, il est temps pour la nouvelle génération de travailler sur ce qui a été fait et sur ce que l’on peut entreprendre pour améliorer les ­relations avec toutes les ­générations présentes.” Des initiatives ­sociales et humanitaires qu’elle assimile à des moments presque vitaux. “Un jour, un recruteur m’a dit que j’avais presque autant d’expériences associatives que professionnelles. Je lui ai répondu que c’était une question d’équilibre.”


 


A l’école de la solidarité


Son dynamisme, Bouchra l’a aussi puisé dans le sport. “J’avais commencé par le basket, qui est très masculin. Mais j’ai surtout pratiqué le volley, pendant cinq ans, avant de me blesser. J’aime l’esprit sportif, en particulier la prise d’initiative et la solidarité. C’est une magnifique école.”


Portée sur la spiritualité, cette grande dévoreuse de livres ne fait pas étalage de ses convictions religieuses. “J’ai toujours séparé ma vie personnelle et ma vie pro­fessionnelle ou associative. Mes comptes Facebook ou LinkedIn ne me servent que pour les évènements de l’association. C’est important que l’attachement religieux soit régi par la sphère de l’intime. Encore plus dans un pays qui est, qu’on le veuille ou non, judéo-chrétien.”


Plus jeune, Bouchra se rêvait avocate. Lauréate d’un rassemblement des Nations unies, elle a particulièrement apprécié ses rencontres avec des jeunes “pour défendre la paix et la sécurité”. Sûrement un nouveau cheval de bataille pour celle qui n’a pas fini de donner de son temps aux autres, tout en gardant en tête l’esprit d’équipe et la modestie qui la caractérisent. 

Yassir Guelzim

Yassir GUELZIM

Journaliste Print et web au Courrier de l'Atlas depuis 2017. Réalisateur de documentaires pour France 5.