Emouvantes funérailles de Hicham Miraoui en Tunisie

Lâchement abattu de cinq balles par son voisin à Puget-sur-Argens, dans le Var, le quadragénaire a été inhumé dans sa ville natale de Kairouan où régnait une atmosphère pesante et indignée.
« Ma famille vit un traumatisme incommensurable ! », s’exclame Monia, la sœur aînée de Hichem Miraoui, un ressortissant tunisien victime d’un assassinat reconnu comme raciste dans le sud-est de la France, et dont le corps a été inhumé dans la journée d’hier mercredi 11 juin à Kairouan, sa ville natale dans le centre du pays. Le 31 mai au soir, à Puget-sur-Argens (Var), Christophe B., un Français de 53 ans, a tiré cinq balles sur Miraoui, avant de blesser un autre voisin, de nationalité turque. Quelques temps avant son acte mais aussi le jour du crime, il avait diffusé des vidéos ouvertement racistes sur les réseaux sociaux.
Incompréhension et colère
« Hichem est resté plus de dix ans à l’étranger et c’est dans un cercueil qu’il revient ! Qui peut supporter une telle douleur ? », s’emporte Monia, le visage pâle d’émotion. Dans la modeste maison familiale, le cercueil de Hichem Miraoui a été accueilli par les larmes et les cris de douleur de ses six sœurs, de ses deux frères et de sa mère, âgée de 75 ans, qui ne cesse de se balancer d’avant en arrière en se tenant le visage entre les mains.
Dans l’espoir d’une vie meilleure, ce quadragénaire avait quitté clandestinement la Tunisie en direction de la côte italienne, avant de se rendre en France, dans la foulée de la révolution de 2011, qui a fait chuter le dictateur Zine El-Abdidine Ben Ali, a raconté sa sœur aînée à l’Agence France-Presse (AFP). Hichem Miraoui était brièvement revenu en Tunisie en 2015, avant de rallier de nouveau clandestinement les côtes européennes et de s’installer en France, selon Monia. En juillet, il allait enfin obtenir sa carte de séjour et comptait venir cet été en vacances en Tunisie, où il pourrait « revoir sa mère après dix ans d’absence », explique sa sœur.
Recrudescence de la xénophobie
Devenu coiffeur depuis sept ans, « Hichem était un homme très intègre », confie son employeur gérant du salon, Wahbi Haj Kamel, qui a fait le déplacement en Tunisie pour assister à l’enterrement. Suite à l’assassinat, « nous n’avons plus le moral, nous sommes plus stressés, nous avons l’impression de ne pas avoir de valeur en France », confie-t-il, la voix en sanglots. D’après lui, Hichem Miraoui avait emménagé depuis à peine deux mois dans la résidence où son voisin était « connu pour sa haine envers les Arabes ». Il évitait de le croiser, mais « lui avait offert un jour un plat de couscous pour répondre à la haine par un acte de générosité », explique-t-il.
Selon le frère aîné de Hichem, « l’assassin doit écoper de la peine la plus sévère ». « Il n’y a que ça qui pourrait nous apaiser », renchérit-il. Avocat de la famille, Sefen Guezguez, venu aussi aux funérailles, se réjouit que le parquet antiterroriste ait été saisi de l’affaire. Mais par-delà de la responsabilité individuelle de l’agresseur, il voudrait que soit examinée « la responsabilité collective de son entourage, de son environnement relationnel, savoir s’il n’y a pas d’autres gens qui l’ont poussé à commettre ce crime atroce, cet attentat terroriste », requiert-il.
Pour Romdhane Ben Amor, responsable du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES) et spécialiste des dossiers migratoires, qui s’est rendu à l’aéroport avec quelques militants pour accueillir le corps et demander justice, « Hichem est victime du discours de haine ». « Nous refusons qu’un tel discours soit adopté en Tunisie contre les migrants d’Afrique subsaharienne », ajoute-t-il.