En Tunisie, une très particulière commémoration de la révolution

 En Tunisie, une très particulière commémoration de la révolution

Kais Saïed poing levé à Ben Guerdane, le 17 décembre 2024

Date anniversaire du déclenchement des évènements de la révolution tunisienne de 2011, le 17 décembre a été décrété jour férié depuis 2021, en lieu et place du 14 janvier, sorte de réhabilitation de la lecture personnelle que fait le président Kais Saïed de l’Histoire récente. Mais cette année, les commémorations avaient une teneur aussi pesante que particulière : dans tous les esprits, « the elephant in the room » c’était la chute du régime syrien duquel Saïed s’était grandement rapproché.

Le choix d’une visite symbolique à Ben Guerdane dans le sud tunisien, aux frontières de la Libye, avant même de se rendre à Sidi Bouzid, berceau de la révolution, était donc tout sauf fortuit. Ainsi le président de la République a affirmé, mardi, lors d’une visite non annoncée à Ben Guerdane, avoir choisi de se rendre dans cette ville à l’occasion de l’anniversaire de la révolution, « car cette région avait connu en mars 2016 une épopée historique du peuple, des forces de sécurité et de l’armée, face à ceux qui tentaient de menacer la Tunisie ».

 

Un narratif comparatiste affiché

La révision de l’Histoire a de quoi surprendre y compris les pro Saïed : dans la hiérarchisation que fait la doctrine saïdiste de ces évènements relativement récents, on savait déjà que l’immolation de Mohamed Bouazizi supplantait en importance le 14 janvier, date de la « confiscation de la révolution » par des parties tierces. Or, avec la chute de Damas, le chef de l’Etat tunisien avait visiblement à cœur de promouvoir les clashs entre les populations locales contre à un assaut de groupuscules jihadistes en 2016 au rang de parachèvement réel de la révolution tunisienne, à la faveur d’une analogie ou d’une extrapolation qui ne dit pas son nom avec la Syrie.

Dans une longue vidéo de publiée le 18 décembre à l’aube sur la page « Meta » de la présidence de la République, documentant une réunion avec des responsables locaux, le président Saïed a martelé que « la Tunisie est un État unifié ». Une référence évidente, en écho, à un communiqué du ministère des Affaires étrangères tunisien, qui avait publié les seules deux réactions officielles aux évènements en cours en Syrie, un premier communiqué qualifiant l’assaut de HTS d’« attaque terroriste », et un second mettant en garde contre une partition de la Syrie.

« Le peuple tunisien et les hommes libres du monde entier sont rassemblés contre toutes les tentatives vaines et désespérées de s’engager dans la mouvance sioniste visant à démanteler les États », a même renchéri Kais Saïed mardi. « Le peuple tunisien leur a donné une leçon inoubliable, en éliminant les groupes terroristes », s’enorgueillit-il. « Ceux qui avaient comploté, croyaient pouvoir porter atteinte à l’unité du peuple tunisien, mais leurs plans criminels ont été neutralisés », s’est-il encore prévalu.

Le président de la République a par ailleurs indiqué que des travaux sont en cours pour élaborer de nouvelles législations, « fondées sur de nouvelles idées et conceptions, afin de répondre aux aspirations du peuple », une idée altermondialiste récurrente dans son discours, sans que l’on en connaisse le contenu de façon tangible autrement qu’à travers les entreprises dites communautaires.

Sa visite s’est poursuivie dans un second temps dans plusieurs délégations relevant du gouvernorat de Sidi Bouzid, à l’occasion du 14e anniversaire de la Révolution tunisienne. Il s’y est notamment arrêté dans la délégation de Mezzouna et la délégation de Menzel Bouzayène, où il a visité le cimetière de la ville pour réciter la Fatiha à la mémoire du premier martyr de la révolution tunisienne. Le chassé-croisé révolutionnaire tuniso-syrien n’a décidément pas fini de faire débat.