Il était une fois la Méditerranée

 Il était une fois la Méditerranée

La conquête et le pillage de Tunis (L’Empereur Charles V contre Tunis


Faire dialoguer les cités méditerranéennes, telle est l’ambition de “Connectivités”, la nouvelle exposition semi-permanente du Mucem. L’occasion de découvrir quelque 350 pièces issues des collections de l’institution marseillaise et d’autres grands musées européens. 


Le visiteur a le choix : commencer par remonter le temps pour découvrir Istanbul, Séville, Venise ou Alger telles qu’elles étaient au XVIe siècle, ou naviguer entre les mégapoles actuelles que sont Marseille, Le Caire, Istanbul ou Casablanca.


On préférera plonger dans le passé, d’autant plus que la commissaire de l’exposition, l’archéologue Myriame Morel-Deledalle, a pris le parti d’emboîter le pas à l’historien Fernand Braudel, qui considéra la Méditerranée à l’époque de Philippe II (1) comme un personnage d’une pièce de théâtre dont on raconte l’histoire dans la durée. Aux XVIe et XVIIe siècles, la Méditerranée bascule. D’un bassin fermé que se partagent les deux empires de l’époque – les Habsbourg et les Ottomans, amis et ennemis à la fois –, elle devient un espace mondialisé qui se développe à partir de grandes cités portuaires.



Les traces des échanges entre les empires


Parmi les pièces phares de la première partie de l’exposition, une magnifique assiette typique des ateliers d’Iznik, en Turquie, datant du XVIe siècle. Au-delà de son esthétique, ce plat, prêté par le musée national de Céramique de Sèvres, atteste des échanges commerciaux entre les deux empires qui n’étaient guère entravés par les guerres auxquelles ils se ­livraient. Des tulipes (2) (“tülben” en turc, en référence à la forme du turban), symboles du pouvoir du sultan, décorent ce plat dont le centre est orné des armes du doge (magistrat) vénitien Alvise Mocenigo. Ce dernier s’était pourtant ligué, avec le pape Pie V et les Espagnols, contre les Ottomans qui avaient pris Chypre, alors possession vénitienne, en 1570.


 


Relater l’histoire, hier et aujourd’hui


On s’attardera également sur le portrait du fabuleux Kheir ed-Din Barberousse (1476-1546), un simple potier qui devint pirate, puis corsaire avant d’être nommé grand amiral de la flotte ottomane et sultan d’Alger en 1518. On lui doit le port de cette cité qu’il fit construire en 1529. A l’époque, la ville, dont on peut admirer un plan-relief montrant à quoi elle ressemblait au XVIe siècle, était, du fait de son emplacement stratégique, un port fort convoité par les Habsbourg. Barberousse a su le garder au sein de l’empire ottoman. D’ailleurs, on ­n’oubliera pas de jeter un œil sur une maquette de la galère, ­prêtée par le musée de la Marine de Paris, à bord de laquelle opérait ce navigateur légendaire.


Pour assurer la transition entre les deux périodes, radicalement opposées, qu’explore le visiteur, un mobile géant du plasticien belge Patrick Guns, Nous sommes 152. Que Dieu nous aide, fait référence aux milliers de naufragés qui disparaissent en tentant de rejoindre la rive nord de la Mare Nostrum. Cette installation se compose des fragments d’une barque… après le naufrage. Ses passagers ? Ils pourraient être ces jeunes en train de jouer au football dans la rue que filme Stéphane Couturier dans sa vidéo intitulée Alger- Cité ‘Climat de France’ – Place des Deux Cents Colonnes. Des scènes de vie également visibles dans A God Passing, une vidéo de l’artiste belge David Gheron Tretiakoff qui immortalise le transfert du pharaon Ramsès II de la gare du Caire au Grand Musée égyptien. Une œuvre qui résume l’esprit de “Connectivités”, où passé et présent ne cessent d’interagir. 


1) Il fut, au XVIe siècle, roi d’Espagne, de Naples et de Sicile, archiduc d’Autriche, duc de Milan et prince souverain des Pays-Bas.


(2) Cette fleur qui poussait à l’état sauvage en Turquie, où elle a d’ailleurs été découverte est le symbole du pays. Soliman le Magnifique a offert un bulbe à l’ambassadeur et botaniste flamand Ogier de Busbecq, qui le rapporta aux Pays-Bas, devenu depuis le royaume des tulipes


MAGAZINE FEVRIER 2018


CONNECTIVITÉS Galerie de la Méditerranée du Mucem, 7, promenade Robert-Laffont (esplanade du J4), 13002 Marseille.


www.mucem.org


 

Fadwa Miadi