La FIDH alerte sur la criminalisation de la solidarité avec la Palestine

(Photo : Miguel MEDINA / AFP)
Derrière la lutte affichée contre la haine, une répression croissante des voix dissidentes. La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) publie ce mardi un rapport sans détour, intitulé « Criminalisation et contrôle du récit : la solidarité avec la Palestine en ligne de mire ». Menée entre octobre 2023 et mai 2025 dans quatre pays, France, Allemagne, Royaume-Uni et États-Unis, l’enquête met en lumière un phénomène préoccupant : la criminalisation des expressions de solidarité avec la Palestine, dans un climat de polarisation et de rétrécissement de l’espace civique.
Sous couvert de protection de l’ordre public, de lutte contre l’antisémitisme ou de sécurité nationale, les autorités ont recouru, selon la FIDH, à des mesures d’exception : interdictions de manifester, arrestations arbitraires, répression du milieu universitaire, censure médiatique et menaces législatives. Autant de pratiques qui, souligne le rapport, violent directement les obligations internationales en matière de droits humains et produisent un effet dissuasif massif sur la liberté d’expression. Résultat : un débat public appauvri, une participation démocratique fragilisée et la voix des minorités affaiblie.
« Cette tendance, témoigne d’un glissement préoccupant vers la normalisation de mesures d’exception dans le traitement des voix dissidentes », avertit Yosra Frawes, responsable du bureau Maghreb et Moyen-Orient de la FIDH.
Le rapport souligne l’un des mécanismes centraux de cette répression : la confusion croissante entre antisémitisme et critique légitime des politiques menées par l’État d’Israël. En assimilant la dénonciation de violations du droit international à un discours de haine, plusieurs gouvernements délégitiment les voix critiques et entretiennent un climat de peur. Depuis le 7 octobre 2023, cette confusion s’est institutionnalisée.
Dans les pays étudiés, des militants, journalistes, universitaires ou élus ont été inquiétés pour avoir exprimé des positions pacifiques en faveur des droits des Palestiniens. Certains ont vu leurs manifestations interdites, d’autres leurs conférences annulées ou leurs publications censurées. La défense du droit interventional devient, pour beaucoup, une ligne rouge.
« Les États doivent garantir à chacun et chacune le droit de s’exprimer et de se mobiliser pacifiquement, pour toutes les causes. La défense des droits humains ne devrait pas être limitée par des sensibilités politiques », rappelle Alice Mogwe, présidente de la FIDH.
Ce que documente la FIDH dépasse la question palestinienne : c’est le recul structurel de l’espace civique dans les démocraties dites libérales. Le rapport montre comment les dynamiques enclenchées depuis octobre 2023 ont exacerbé des tendances déjà à l’œuvre : affaiblissement des garanties démocratiques, banalisation de l’islamophobie et institutionnalisation du profilage racial.
Sous des motifs sécuritaires ou moraux, l’exception devient la règle. Et avec elle, un soupçon généralisé qui pèse sur les mouvements de solidarité. Pour la FIDH, cette spirale menace directement la vitalité démocratique : « Ce qui se joue ici, écrit-elle, ce n’est pas la défense d’une cause, mais la capacité des sociétés à tolérer la dissidence. »
La FIDH rappelle que la lutte contre le racisme et l’antisémitisme reste une obligation fondamentale du droit international. Mais elle prévient : cette lutte « ne saurait être détournée pour justifier des restrictions arbitraires de libertés ».
L’organisation appelle les États concernés à garantir la protection effective des libertés, à prévenir toute instrumentalisation politique des dispositifs de lutte contre la haine et à assurer la sécurité des défenseur·ses des droits humains. La FIDH sera-t-elle entendue ?
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