La France, fille ainée de l’Église – Comment De Villiers a ouvert la boîte de Pandore

 La France, fille ainée de l’Église – Comment De Villiers a ouvert la boîte de Pandore

Philippe de Villiers – Photo : JOEL SAGET / AFP

(Operation truth, « Opération Vérité », nous avons inventé ce néologisme pour désigner un travail de décryptage de grande ampleur censé, en cas de besoin, démonter une grosse opération de désinformation ou mettre à jour les véritables motifs qui sont derrière une décision majeure prise par un pays, un organisme ou un groupe d’individus influents dont les explications ne sont pas celles qui sont mises en avant).

Il voulait un buzz apportant de l’eau à son moulin d’idées baroques, il s’est retrouvé avec une bombe médiatique qui n’en finit pas de faire des vagues. Quelle mouche a piqué Philippe de Villiers pour la mise en scène qui a fait apparaître une de ses filles, recouverte d’un voile intégral (chrétien soit dit en passant) sur le plateau de l’émission diffusée sur CNews, début septembre 2025.

Dès sa diffusion, les tirs ont commencé, enflammant les réseaux sociaux où les internautes n’ont pas manqué de s’écharper sur la présence d’une femme voilée de la tête aux pieds dans une chaîne de télévision qui a fait du combat contre le voile un de ses principaux chevaux de bataille, relevant ainsi l’incohérence flagrante avec les positions critiques de la chaîne envers le port du voile.

Précisons au passage que la femme voilée est Sœur Marie de Saint-Martin, une dame qui a choisi l’Église à la scène du showbiz ou le chemin qui mène à la célébrité pour une femme qui passe par sa nudité « vendue » au plus offrant. Mais ce n’est pas non plus une religieuse qui se tient loin de la lumière des caméras puisque la dame est aussi fortement engagée dans la campagne idéologique de son papa, Philippe de Villiers, ancien ministre et fondateur du Puy du Fou, connu pour ses prises de position identitaires et nationalistes.

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L’intervention de sa fille sur la chaîne a donc suscité des interrogations non seulement sur le double discours de la part de la chaîne sur le port du voile, mais aussi sur une instrumentalisation de la religion à des fins politiques et ce, dans un pays dont les élites chantent du matin au soir les louanges de la laïcité. En tout cas, cet incident de plus met en lumière les contradictions qui déchirent la société française et l’usage de la religion dans le débat public pour des objectifs électoraux de bas étage.

Ce qui nous amène à poser la fameuse question qui semble aller de soi à une minorité de Français mais qui en fait n’a rien d’évident dans la réalité : la France est-elle vraiment la fille aînée de l’Église comme essayent de nous en convaincre les De Villiers et autres Zemmour, alors que les autres politiques, se voyant dépossédés d’arguments électoraux qui ne coûtent pas grand-chose, tentent de prendre le train en marche (sans jeu de mots, bien sûr).

Dans un de ses nombreux ouvrages, Mémoricide où il raconte le déclin de la France, Philippe de Villiers a des argumentations bien charpentées sur les dérives de la culture occidentale, que ce soit le wokisme et ses avatars comme l’occupation quasi systématique du terrain par les minorités sexuelles LGBTQ+ (il cite notamment le dégoût et l’horreur suscités par la Cène du Christ interprétée par des drag queens), la bioéthique, l’avortement ou l’euthanasie, mais là où il semble s’aventurer sur un véritable délire, c’est quand il défend les valeurs chrétiennes (plus généralement judéo-chrétiennes) et traditionnelles qui feraient encore partie de la culture française.

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Au niveau de la culture et de l’identité nationale de la France, le moins qu’on puisse dire aujourd’hui, c’est que les valeurs chrétiennes ont effectivement marqué l’histoire de la France dans le passé. Sans revenir sur des décisions comme l’inscription de l’avortement dans la Constitution en 2024, sans retenir le sujet polémique de l’euthanasie qui sont autant d’entorses au Décalogue (les Dix Commandements), le moins qu’on puisse dire, c’est que la déchristianisation de la France, c’est-à-dire la disparition du christianisme en France, est une réalité depuis bien longtemps, n’en déplaise aux quelques Chrétiens qui résistent encore tant bien que mal au rouleau compresseur de l’athéisme maquillé en laïcité par la version woke de « la modernité ».

Pas besoin d’être devin pour comprendre que la France a cessé depuis bien longtemps d’être chrétienne. L’abandon massif de la foi chrétienne, et plus largement dans les pays occidentaux au cours de la seconde moitié du XXe siècle, a des causes aussi complexes. En résumé, si on peut affirmer aujourd’hui que la chrétienté continue de se perpétuer dans la mémoire longue de beaucoup de Français d’un certain âge, la déchristianisation a aussi, et de façon plus durable, tracé des sillons indélébiles dans la mémoire des gens.