Enracinée dans le bocage nantais

 Enracinée dans le bocage nantais

crédit photo : Samira Houari-Laplatte


MAGAZINE DECEMBRE 2017


Depuis plusieurs années, les opposants à la construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, près de Nantes, luttent pour préserver les terres agricoles. Un combat auquel Fatima Hamlaoui, bretonne et algérienne, prend une part active. 


“Les impacts sur les terres agricoles, ça me parle ! Il n’y a rien qui m’horripile davantage que ces grosses masses de béton qui défigurent le paysage”, s’insurge Fatima Hamlaoui. Cette algéro-bretonne vit à Notre-Dame-des-Landes. Situé au cœur du bocage nantais, ce petit village, entouré de camps retranchés de CRS, survolé de drones et parsemé de tractopelles aux aguets, résiste à la volonté du gouvernement d’y construire un aéroport international pour désengorger celui de Nantes-Atlantique. Militants associatifs, agriculteurs et élus locaux se mobilisent avec force et détermination depuis plusieurs années pour préserver les 1 200 hectares de terres agricoles menacés par le projet.


 


Au cœur de la résistance


Ce matin-là, Fatima Hamlaoui se rend à bicyclette à la ferme de Bellevue, un haut lieu de la résistance. Elle traverse la campagne sillonnée de champs, piquée de touffes forestières, de zones humides, d’espèces rares et protégées, de signalétiques singulières : les Fosses-Noires, la Wardine, les Planchettes, la Vache-Rit, la Chat-Teigne… “Je suis responsable des bénévoles lors des grandes manifestations de l’été (la dernière a eu lieu les 8 et 9 juillet derniers, ndrl), explique-t-elle. Nous discutions avec l’Acipa* pour caler une date pour l’an prochain !”A l’issue d’une énième médiation, le gouvernement devra se prononcer en décembre sur le projet de construction de l’aéroport.


La jeune militante se définit avant tout comme “de gauche et écologiste”, même si son patronyme et son ­faciès suscitent parfois la curiosité des habitants du territoire : “Beaucoup se nomment Durand ou Mahé… Mais, en réalité, je n’ai pas l’impression d’être différente. Moi je m’appelle Hamlaoui, mais c’est le même bout de terre qu’on défend !” Et d’ajouter : “Je n’ai pas grandi avec toute cette partie de l’Algérie dont je suis originaire, ni avec la langue arabe. J’ai le sentiment d’avoir été sectionnée d’une partie de moi-même.”


 


“Une grande famille”


Dès 2012, elle s’engage dans la lutte lorsque l’Etat lance “l’opération César”, visant à évacuer les lieux occupés par les opposants sur la zone à défendre (ZAD). L’année suivante, elle participe à l’organisation de la chaîne humaine géante, elle est également présente lors des manifestations d’opposition dans les grandes villes de l’Ouest.


La militante dénonce la brutalité de ce projet : “On a retiré à des agriculteurs et à leur famille leur terre, leur outil de travail, leur tracteur, leurs vaches… pour installer à la place du béton et un aéroport ! N’importe qui se battrait pour refuser cette spoliation, même si cela va à l’encontre de la loi ! Pour certains, la terre a plus de valeur qu’un ­dédommagement !” De nouveau, Fatima Hamlaoui s’apprête à mobiliser les bénévoles : “La ZAD est une grande famille où l’on est intronisé par un proche.”


D’où vient cet enracinement dans le bocage nantais ? Les histoires humaines autour de la préservation de la terre font partie des valeurs que mon père nous a inculquées”. La boucle est bouclée…  


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Samira Houari