London Calling, Deals in the City

 London Calling, Deals in the City

Crédit photo : Ben Stansall/AFP


Zoom sur deux Marocains qui participent chaque jour au grand show financier londonien. Ils ont été conquis par l’esprit d’ouverture de la capitale anglaise. 


YOUSSEF MECHAHOURI : “ICI, IL Y A DU RESPECT”


 


Berbère originaire du Moyen Atlas, Youssef a toujours navigué à son aise dans le système français, depuis le CE2 à l’école française de Rabat, à la classe préparatoire du lycée Janson-de-Sailly, à Paris, jusqu’à la très élitiste Ecole polytechnique de Palaiseau.


Il débute au Crédit Agricole et fait du trading sur produits structurés, la partie la plus mathématique de la finance. S’il avoue n’avoir jamais ressenti de racisme en France, c’est en partie “ce bruit de fond, à toujours pointer les mêmes personnes du doigt, la même communauté, la même religion” qui le pousse à traverser la Manche et poursuivre son métier au sein d’une banque canadienne. “En Angleterre, les communautés sont beaucoup mieux accueillies. Au quotidien, on ne sent pas de tensions. Il y a du respect.”


Au fil du temps et des scandales financiers, il a vu la profession évoluer. “Aujourd’hui, il faut effectuer davantage de vérifications pour faire un deal avec un client. On a basculé vers un autre extrême. Et le marché s’est élargi. Les banques chinoises, par exemple, ont commencé à intégrer la place financière européenne. Et Londres en première ligne.” Ce leadership de la capitale britannique, Youssef ne l’envisage pas être remis en question par le Brexit. “Il y aura des mouvements de Londres vers les autres pays européens. Ce ne sera pas forcément les traders qu’on enverra, mais plutôt les fonctions de support, du back-office, des fonctions risques, de conformité, et quelques vendeurs.” Selon lui, l’enjeu est trop important pour le Royaume-Uni, qui n’a plus vraiment d’industrie. “Enlever la finance en Angleterre, c’est ruiner le pays.” 


 


LAMIA : ALLIER “TRAVAIL ET FAMILLE”


Quand on rencontre Lamia, on est très loin des clichés véhiculés sur l’univers de la finance. La tradeuse marocaine de 32 ans, toute menue, emmitouflée dans son imperméable londonien, s’exprime avec une petite voix, assurée mais sans en faire trop.


Parallèlement à sa scolarité au lycée français de Rabat, elle suit des cours d’anglais dispensés par le British Council, l’organisme en charge de la promotion de la langue anglaise. Sa mère lui a notamment transmis qu’“en tant que fille, elle devait étudier, travailler pour être indépendante.”


Un an avant son bac S, elle s’installe en France avec ses parents et enchaîne en classe préparatoire maths-physique, sciences de l’ingénieur. Puis elle intègre l’Ecole nationale de la statistique et de l’administration économique (Ensae) et effectue sa troisième année à l’université new-yorkaise de Columbia. Nous sommes en 2008, juste avant la crise financière… Lamia reçoit une offre d’une entreprise de logiciels de finance à New York. Son premier contrat débute quand survient le scandale Lehman Brothers. “J’ai plein d’amis qui étaient en banque et qui se sont fait virer. Ça a continué pendant un an. Les mauvaises nouvelles pleuvaient.”


Puis, Lamia amorce un virage vers le trading. Elle se lance alors dans un DEA finance et probabilités, en France, à Paris-VI. Après l’obtention de son diplôme, elle intègre une banque anglo-saxonne, à Londres.


Le travail est plutôt stressant et nécessite un mental d’acier, mais cela lui convient bien. Tous les jours, vers 17 h 30, elle quitte le travail pour récupérer son fils. “Ici, je n’ai jamais eu l’impression que je devais mettre de côté ma vie de famille pour mon travail.” Si le milieu de la finance reste très masculin, Lamia le ressent peu au quotidien. Et concède qu’elle n’aurait probablement pas eu la même carrière en France : “A Paris, le marché est moins porteur. Il y a moins de banques ou d’opportunités.” 


La suite de la Série Société : London Calling


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MAGAZINE SEPTEMBRE 2017

Caroline Diene