Le dollar US en net recul face au dinar tunisien : les raisons d’un retournement inattendu

Depuis plusieurs mois, le dollar américain connaît une baisse notable face au dinar tunisien, atteignant début juillet des niveaux jamais vus depuis près d’un an. Coté autour de 2,87 dinars pour un dollar, contre plus de 3,22 en début d’année, le billet vert a perdu près de 10% de sa valeur face à la monnaie tunisienne. Une tendance volatile qui intrigue, dans un contexte où la Tunisie reste confrontée à une situation économique fragile.

Pour comprendre cette tendance contre-intuitive, il faut d’abord se pencher sur l’effet domino du marché mondial. La première explication réside en effet dans l’évolution du dollar à l’échelle mondiale. Après des mois de hausse liée à la politique monétaire agressive de la Réserve fédérale américaine (Fed), les marchés anticipent désormais un ralentissement, voire une baisse des taux d’intérêt aux États-Unis.
Cette perspective affaiblit mécaniquement le dollar sur les marchés internationaux, notamment face à l’euro. Or, le dinar tunisien est en partie indexé sur un panier de devises dominé par l’euro. La baisse du dollar face à l’euro se répercute ainsi sur le taux de change USD/TND, sans que la dynamique propre à la Tunisie soit forcément en cause.
Pétrole moins cher, besoin en dollar réduit
Un autre facteur non négligeable est la baisse des prix du pétrole sur le marché international. La Tunisie, pays importateur d’hydrocarbures, voit ses besoins en devises, notamment en dollars, diminuer lorsque le prix du baril recule.
Cette moindre pression sur les réserves en dollars contribue à la réduction de la demande locale de billets verts, favorisant un rééquilibrage en faveur du dinar. La Banque Centrale de Tunisie (BCT) profite également de ce contexte pour stabiliser, voire laisser légèrement s’apprécier le dinar.
Une politique monétaire plus souple
La BCT, tout en maintenant une politique de change relativement flexible, n’est pas intervenue pour enrayer cette revalorisation du dinar. Contrairement aux années précédentes où la monnaie tunisienne se dépréciait continuellement face aux devises fortes, les autorités monétaires semblent avoir laissé jouer l’effet de marché cette fois, même si une correction temporairement à la hausse du dinar n’est pas à exclure.
Cette posture peut s’expliquer par la volonté de contenir l’inflation importée, ou d’envoyer un signal de stabilité aux bailleurs de fonds, alors que la Tunisie négocie toujours des prêts sur le marché des emprunts internationaux hors FMI.
Des flux financiers favorables
Certains analystes financiers évoquent enfin une reprise des flux financiers vers les pays dits émergents, Tunisie comprise. Même si ces flux restent modestes dans le cas tunisien, une amélioration relative du climat d’investissement ou l’entrée de devises (tourisme, transferts record de la diaspora, etc.) peut temporairement soutenir la monnaie nationale. Cela reste toutefois un facteur fragile et conjoncturel.
Reste à savoir si cette dynamique peut se poursuivre en tendance baissière durable. La plupart des experts estiment que la baisse actuelle du dollar face au dinar est avant tout conjoncturelle. Si la Fed renversait sa stratégie et reprenait une politique plus restrictive, ou si les prix de l’énergie repartaient à la hausse, la demande en dollars augmenterait de nouveau en Tunisie, poussant le taux USD/TND vers le haut. D’autant que les fondamentaux économiques tunisiens – déficit commercial, dette, croissance modérée, billets en circulation indiquant un recours à la planche à billets – n’ont pas radicalement changé.
L’actuelle embellie du dinar est en somme davantage un souffle passager qu’un véritable retournement structurel. Elle offre toutefois une bouffée d’oxygène bienvenue à une économie tunisienne toujours en quête d’équilibre.
