Municipales, Paris 8ᵉ. « Derrière les façades haussmanniennes, il y a de la précarité qu’on refuse de voir », Sonia Chaouche, candidate LFI

Sonia Chaouche, candidate LFI dans le 8ᵉ arrondissement aux municipales 2026, tenant des flyers de sa campagne et de celle de Sophia Chikirou, tête de liste LFI à Paris. (Photo : DR)
Quand le nom de Sonia Chaouche est apparu parmi les candidats aux municipales dans le très bourgeois 8ᵉ arrondissement de Paris, beaucoup ont été surpris. Militante antiraciste, membre du Comité Vérité et Justice pour Adama (NDLR : association fondée après la mort d’Adama Traoré le 19 juillet 2016, décédé à l’intérieur de la gendarmerie de Persan, Val-d’Oise), éducatrice de terrain depuis vingt ans : son profil tranche avec l’image policée du quartier.
Investie par La France insoumise, aux côtés de Sophia Chikirou pour la mairie de Paris, elle assume ce choix politique. Porter l’antiracisme, la justice sociale et la défense du service public là où on les attend le moins.
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LCDL : On a d’abord cru à une blague en voyant votre nom apparaître parmi les candidats aux municipales dans le 8ᵉ arrondissement de Paris. Pourquoi ce choix, a priori improbable ?
Sonia Chaouche : Le 8ᵉ est perçu comme un arrondissement de vitrines, de luxe et de pouvoir. Mais derrière les façades haussmanniennes, il y a des travailleurs de l’ombre qui font vivre Paris, des familles modestes, touchées pour certaines par la précarité, des logements insalubres, des gens invisibilisés. L’antiracisme et la justice sociale ne doivent pas être cantonnés aux quartiers populaires : ils doivent être portés partout, surtout là où on pense qu’ils ne sont pas nécessaires.
Concrètement, comment cette candidature est-elle née ?
Sophia Chikirou (NDLR : tête de liste LFI à Paris) a contacté le comité Adama car elle voulait porter le propos de l’antiracisme dans sa campagne parisienne. Elle m’a proposé de m’engager dans ces municipales. J’ai hésité, bien sûr. J’ai un travail exigeant, je suis mère de deux enfants. Je suis cheffe de service éducatif, j’encadre des équipes d’éducateurs. Mais je me suis dit une chose : si on laisse toujours les mêmes espaces aux mêmes profils, rien ne changera jamais.
Vous êtes éducatrice de formation. En quoi cela influence-t-il votre projet politique ?
J’ai été éducatrice pendant vingt ans. Le terrain, je le connais. Je vois comment les politiques publiques impactent — ou n’impactent pas — la vie réelle des gens. Notamment parce que j’ai énormément collaboré avec les mairies durant toutes ces années. À Paris, par exemple, il y a des dysfonctionnements graves dans l’école publique : des animateurs pour quarante enfants, des équipes épuisées, des parents à bout. Quand je fais du porte-à-porte et que j’en parle, tout le monde comprend immédiatement. Le service public, ce n’est pas un slogan, c’est une réalité quotidienne. L’enfance et la jeunesse doivent être centrales dans notre société et nos politiques parisiennes. Je veux un Paris qui donne les moyens nécessaires à l’épanouissement et à l’émancipation de nos enfants, d’où qu’ils viennent.
Justement, comment se passe ce porte-à-porte dans le 8ᵉ ?
Plutôt bien. Je commence toujours par demander si les gens vont bien. C’est une phrase anodine, mais elle est centrale pour moi. Créer du lien, permettre la discussion et ensuite poser une question simple : « Êtes-vous inscrit sur les listes électorales ? » Et lorsque j’expose nos axes, les discussions s’ouvrent davantage. J’ai découvert parfois des habitants isolés, se plaignant de l’insalubrité de leur habitat, que je ne m’attendais pas à trouver ici. Autour de Saint-Lazare, vers Rome, on est à une intersection brutale entre populations très riches et classes populaires. Cette fracture est violente, mais elle est niée.
Quels sont vos axes politiques prioritaires pour cet arrondissement ?
Deux axes majeurs. D’abord, l’éducation communale : soutenir les écoles, les animateurs, les parents, les enfants.
Ensuite, le logement : l’encadrement des loyers, le contrôle des bailleurs, qu’ils soient privés ou sociaux. Le logement est un facteur central de dignité. Sans logement stable, rien ne tient.
Votre engagement politique est aussi intimement lié à votre combat contre les violences policières…
Oui. Mon engagement ne tombe pas du ciel. Il vient de dix ans de lutte aux côtés du Comité Vérité et Justice pour Adama. Dix ans à dénoncer les violences policières, le racisme systémique, les injustices d’État. Dix ans de collectif, d’héritage des luttes de l’immigration et des quartiers populaires. J’ai appris une chose essentielle : ces combats doivent aussi être portés là où se prennent les décisions. À la mairie. À Paris. Mais notre combat est politique depuis toujours : à travers nos luttes menées en soutien aux travailleuses des hôtels Ibis ou de la société de nettoyage Onet, auprès du personnel soignant, des collectifs pour les sans-papiers, sur la question des rixes, de la jeunesse des quartiers, avec les gilets jaunes et les mouvements sociaux contre la loi retraite… Mon parcours a toujours été politique et sur le terrain, avec le comité Adama, les collectifs et les associations.
Certains diront que ces sujets n’ont rien à voir avec une mairie d’arrondissement. Que leur répondez-vous ?
C’est faux. Les mairies ont un rôle central : accès aux droits, prévention, soutien aux associations, politique éducative, urbanisme, relation avec la police municipale. L’antiracisme n’est pas une question morale abstraite, c’est une politique publique concrète. Paris ne peut pas continuer à détourner le regard.
Vous vous présentez sous l’étiquette de La France insoumise, aux côtés de Sophia Chikirou à Paris. Pourquoi ce choix ?
Parce que c’est une continuité logique. Parce que nous avons imposé au débat politique la question des violences policières et de l’antiracisme. La France insoumise a soutenu depuis le début notre quête de la vérité et de la justice, dans une continuité qui dure depuis près de dix ans. Alors je peux dire qu’aujourd’hui, La France insoumise est la seule force politique qui assume clairement ces combats : justice sociale, égalité réelle, antiracisme politique. Je ne me présente pas pour « faire de la figuration ». Je me présente pour imposer ces priorités, partout, y compris dans les beaux quartiers.
