DJ Sama’ : « Danser transforme la violence en énergie positive »

 DJ Sama’ : « Danser transforme la violence en énergie positive »

crédit photo : Aurélia Mazoyer


A 26 ans, Sama’, anciennement Skywalker, est la première femme DJ palestinienne. Sa techno enfièvre les foules de Ramallah au Caire, de Londres à Rome. Musicienne, productrice, ingénieure du son, elle prépare un nouvel album. 


Comment êtes-vous devenue DJ ?


J’ai découvert la techno à Beyrouth lors d’un concert du DJ japonais Satoshi Tomiie. Quelle musique étrange, fascinante, puissante ! De retour à Ramallah, j’ai beaucoup écouté ce style pour en comprendre la beauté. J’ai commencé à mixer dans les premières soirées techno de la ville. J’ai étudié ensuite la musique en Jor­danie puis à Londres, où j’ai produit mon premier album. Je joue du piano classique depuis l’enfance, un instrument très riche qui m’aide beaucoup pour mixer et composer.


 


Quelle est la place du mouvement techno en Palestine ?


Ce genre est en vogue depuis six ans environ. Les Palestiniens adorent danser, il y a cette énergie folle, un peu comme la salsa en Amérique latine. La différence avec les autres pays, c’est ce contexte de conflits permanents, d’occupation. Danser, c’est célébrer, donc quand des personnes sont tuées, il n’y a pas de soirées pendant un moment. Puis la vie reprend son cours, on refait la fête, les gens dansent avec tout leur cœur. C’est très sain, tu transformes la violence en une énergie très positive, tu communies avec les autres, tu partages la même vibration. Pendant quelques heures, tu oublies le monde autour. L’aspect sombre de la techno lui donne un caractère rebelle, subversif, mais je pense que toute musique peut jouer ce rôle. En Palestine, la musique folklorique populaire est utilisée lors de soulèvements, de manifestations.


 


Qu’est-ce qui vous plaît dans votre métier ?


La beauté de la musique, chose impalpable, invisible, qui plane et agit sur toi au-delà de ton contrôle. Le pouvoir des rythmes, des fréquences sur ton corps, sur ton subconscient… J’essaie de faire voyager le public, de l’emmener dans une histoire : qu’il ferme les yeux et me suive. Danser est l’acte le plus libérateur pour moi, j’ai toujours dansé, sur du hip-hop, je suis une grande fan de Michael Jackson aussi. J’aime la techno, car il n’y a pas trop de mots, et les sons ne sont pas réels mais fabriqués, synthétiques, électroniques. Tu construis ton propre instrument, c’est passionnant.


 


Vos parents vous ont encouragé dans cette voie ?


Oui, ils m’ont toujours soutenue. J’ai grandi pendant l’Intifada à Ramallah et ils ont fait en sorte que ce soit vécu comme un jeu : coupure d’électricité, d’eau, manque de nourriture, cache-cache avec les soldats… Tout était prétexte à jouer, afin de ne pas nous traumatiser. Ça te fait mûrir très vite. Tu comprends la situation de ton pays, tu as envie de travailler pour lui, d’améliorer les choses. A l’époque, je n’avais pas conscience du sexisme. Aujourd’hui, quand je dis que je suis DJ, certaines femmes arabes ont les yeux qui brillent. Montrer que c’est possible, ça me fait plaisir. 


Prochain concert :


1er Juillet : Sunset society X Lavoir Public x Intérieur Queer : Le Sucre à Lyon


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Lien pour le sound cloud de DJ Sama' ici


 


Voir aussi : 


DJ Missy Ness, la globe mixeuse

La rédaction du Courrier de l'Atlas