Etablissements publics: l’interdiction du niqab reste en vigueur

 Etablissements publics: l’interdiction du niqab reste en vigueur


Des rumeurs avaient fait état de l’annulation, suite à des pressions en ce sens, de la circulaire dite « anti niqab ». Or, le texte « reste bel et bien en vigueur, et il n’y a aucune intention de l’annuler » selon ce qu’a déclaré le porte-parole du gouvernement, Iyed Dhamani, ce weekend dans divers médias nationaux.


Désormais connue aussi sous le nom de « circulaire Chahed », ladite circulaire gouvernementale interdit plus précisément à « toute personne dont le visage n’est pas découvert l’accès aux administrations, institutions et établissements publics ».


« Les informations faisant état du renoncement du gouvernement à cette circulaire qui interdit aux personnes au visage non découvert d’entrée dans les sièges des établissements publics sont dénuées de tout fondement », a ainsi coupé court Dahmani à la confusion générale à ce sujet.


 


Le pourquoi de la cacophonie  


Depuis la Kasbah, le chef du gouvernement Youssef Chahed avait pour rappel adressé le 5 juillet la circulaire gouvernementale aux ministres, secrétaires d’Etat, gouverneurs et présidents des collectivités locales, institutions et établissements publics régissant les procédures de sécurité dans les établissements publics. Il souligne via cette injonction qu’il « importe de prendre les mesures nécessaires afin d’interdire à toute personne au visage non découvert d’accéder aux sièges des établissements publics, dans le cadre de la préservation de l’ordre général, le bon déroulement du service public et la garante de meilleures conditions de sécurité ».


Intervenant au lendemain de la série d’attentats du 27 juin et surtout du 2 juillet courant, l’interdiction part en réalité d’un principe de précaution en cette période sensible d’avant élections. Dans le désordre qui a entouré les circonstances de la course-poursuite ayant eu raison du troisième kamikaze, certains avaient en effet cru apercevoir ce dernier affublé d’un niqab lors de sa tentative de fuite.


Malgré le fait que ces témoignages se sont avérés faux dixit le ministère de l’Intérieur lui-même, on peut comprendre que le pouvoir exécutif, anticipant cette possibilité à l’avenir, ait tenu à user de sa prérogative de bannissement par circulaire, l’opinion publique ne pouvant sans doute plus pardonner demain une autre attaque terroriste si elle venait à recourir à ce procédé.   


Mais tollé au sein des milieux radicaux, y compris parmi les bases du parti Ennahdha, pourtant allié du gouvernement auquel il participe : sur les réseaux sociaux, une levée de bouclier est organisée sous forme de campagne anti Chahed, qui est désormais comparé à l’ancien dictateur Ben Ali et sa célèbre « circulaire 108 » qui interdit à l’époque le port du voile islamique dans les institutions publiques au début des années 1990.


Dans une vidéo, l’activiste Imed Dghij qualifie Youssef Chahed de « gamin capricieux », l’accuse de légiférer sur la base d’un mensonge, de ne pas respecter la Constitution, et invoque de possibles « représailles ».


Au lendemain de l’émission de la circulaire, quelques grandes surfaces dont Carrefour Tunisie l’avaient interprétée comme valable pour interdire l’entrée aux femmes en niqab dans leurs espaces pourtant privés. Des affiches d’interdiction ont été retirées 24 heures plus tard, ce qui fut suffisant pour que certains en concluent, à tort, que le gouvernement avait cédé à des pressions venant de ses alliés islamistes sur la question.


Dans certaines villes comme à Zarzis, l’enseigne de grande distribution maintient cependant l’interdiction, ce qui a motivé une campagne de boycott à son encontre émise par des pages salafistes.


Par crainte d’une campagne similaire, Carrefour Arabie saoudite a publié sur son compte Twitter un communiqué pour démentir tout lien avec la filiale tunisienne de la marque, tout en souhaitant la bienvenue aux femmes en niqab.


 


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Seif Soudani