Tunisie. Justice : Nouvelles lourdes peines de prison pour Belhassen Trabelsi

 Tunisie. Justice : Nouvelles lourdes peines de prison pour Belhassen Trabelsi

Belhassen Trabelsi et Lazhar Sta

Bientôt près de 15 années après les évènements de la révolution tunisienne, la justice continue de statuer y compris en première instance sur des affaires de corruption et de biens mal acquis du clan Trabelsi. Visiblement soucieuse d’établir une forme de jurisprudence, il semble que certains hommes d’affaires proches des anciens cercles du pouvoir bénéficient d’une clémence due au fait qu’ils n’aient pas quitté le territoire.

Ainsi la chambre criminelle spécialisée dans les affaires de corruption financière auprès de la Cour d’appel de Tunis a rendu sa décision, lundi 12 mai 2025, en confirmant le jugement de première instance condamnant par contumace Belhassen Trabelsi à seize ans de prison ferme dans l’affaire de corruption financière et de détournement de fonds publics dite de la société Carthage Cement, liée à cette entreprise monopolistique de l’industrie du ciment dans le pays.

 

Clémence pour Lazhar Sta

Dans cette même affaire, la Cour a également réduit la peine de l’homme d’affaires Lazhar Sta, ancien associé de Belhassen Trabelsi, en la faisant passer de huit à trois ans de prison, assortie d’une amende conséquente de 45 millions de dinars (13,3 millions d’euros). Elle a par ailleurs classé les accusations à l’encontre de l’ancien président Zine El Abidine Ben Ali et de l’accusé Noureddine Ferchiou, un avocat d’affaires, en raison de leur décès.

Pour rappel, Belhassen Trabelsi, beau-frère du défunt président Ben Ali, a été condamné à un total de plus de 150 ans de prison ferme dans plusieurs affaires de détournement de fonds publics et de blanchiment d’argent, mais la justice française refuse toujours son extradition après son interpellation à Marseille en mars 2019.

Il convient de rappeler également que l’Etat tunisien détient directement et indirectement, via la confiscation des parts de BINA Corp, des parts majoritaires dans l’actionnariat de la société. Cette cession de capital avait d’abord été annoncée dès octobre 2012. La gestion l’opération avait alors été attribuée à Swicorp. En juillet 2015, Radhi Meddeb, alors président du conseil d’administration de Carthage Cement, avait indiqué que « la privatisation ne devrait se faire que dans un ou deux ans, une fois que la situation de la société est assainie et que ses projets de développement sont mis en place ».

Carthage Cement avait démarré son activité en 2009. Elle provient d’une scission au sein des Grandes Carrières du Nord (GCN), propriété de Lazhar Sta. L’entreprise a connu une évolution fulgurante avec l’arrivée de Belhassen Trabelsi, gendre de Ben Ali, en tant qu’associé : d’une carrière de production d’agrégat  et de gravier pour le secteur du bâtiment, elle a été propulsée dans la production de béton prêt à l’emploi, pour ensuite se doter de la plus moderne des usines de production de ciment du Maghreb, grâce au concours de 422 millions de dinars débloqués par la plupart des banques de la place, alors même que le fonds de commerce de la GCN était estimé à 8 millions de dinars uniquement. En trois ans, le chiffre d’affaires a de ce fait augmenté de 240%, passant de 9,7 millions de dinars en 2007, à 23,3 millions en 2010, dernière année du règne de Ben Ali.

L’ex-président avait en outre favorisé le projet de Belhassen Trabelsi au détriment d’un autre projet de cimenterie à Gafsa, en donnant un ordre écrit pour mettre en veilleuse ce dernier. Quelques jours après sa création, Bina Holding (copropriété de Belhassen Trabelsi et de Lazhar Sta) avait acquis 58,62% de la GCN avant même l’évaluation de ses fonds. Cela avait permis à Belhassen Trabelsi de réaliser une plus-value conséquente sur la valeur réelle de la GCN.