L’environnement : enjeu des élections locales à Gabès

 L’environnement : enjeu des élections locales à Gabès


Ils sont venus nombreux à Tunis pour dénoncer la pollution et ses effets sur leur environnement. Les Gabésiens ont organisé ce mercredi une journée de mobilisation dans la capitale pour rappeler aux pouvoirs publics leur droit à un environnement sain dans une région que l’industrie chimique a totalement transformée en 40 ans.


« Il faut fermer les usines du Groupe chimique ! » Pour Abdelwahab Hlila, il n’y a pas d’alternative : le traitement du minerai de phosphate par le Groupe chimique tunisien (GCT), l’un des leaders mondiaux du secteur, est à l’origine des maux de sa région. « C’est ça ou accepter de continuer à mourir à petit feu », ajoute-t-il.


« J’ai sept cas de cancer dans ma famille, dont ma sœur qui en est morte », se désole une autre activiste venue exprès de Gabès, à 400 kilomètres de Tunis. Elle n’est pas la seule à tenir ainsi un décompte macabre. Il existe peu de données publiques, mais tous les observateurs dénoncent une situation sanitaire catastrophique dans les environs des usines du GCT.


Outre l’air pollué, le traitement du phosphate engendre le déversement quotidien en mer de milliers de tonnes de phosphogypse. Une pollution qui est la principale responsable de la destruction de l’écosystème marin du Golfe de Gabès, autrefois l’un des plus riches de la Méditerranée.


 


Un enjeu électoral


Les Gabésiens militent depuis de nombreuses années pour un environnement plus sain. « Gabès est une région martyre », ose un activiste en référence au sacrifice des habitants pour le maintien de la production de dérivés du phosphate, dont la Tunisie a longtemps été l’un des principaux exportateurs mondiaux. « Autrefois, Gabès était un paradis, une ville de villégiature appréciée. Demandez aux anciens, ils s’en souviennent encore », explique, nostalgique, Fadhel Trabelsi porte-parole du collectif « Saker Lemsab » (« ferme le déversoir »), qui rassemble une vingtaine d'associations.


Alors que les élections municipales et régionales se profilent, le mouvement entend bien prendre la main sur le dossier. M. Trabelsi a ainsi été investi à la tête d’une liste indépendante aux élections municipales à Gabès. Autour de lui, les représentants de la société civile gabésienne ont tenu à montrer leur unité en défilant dans le centre de Tunis à l’issue de la conférence de presse.


Pourtant des solutions existent. Le gouvernement de son côté a dans les cartons un projet de déménagement de la zone industrielle vers la localité de Menzel Lahbib à 60 km de l’agglomération ; « loin des habitants, de la mer et de l’agriculture », plaide Mongi Thameur gouverneur de Gabès. Mais, le projet est loin de faire l’unanimité parmi les habitants de Menzel Lahbib. Certains activistes militent pour l’arrêt pur et simple des industries chimiques et leur remplacement par des industries propres et une zone touristique.


En attendant, les associations locales tentent d’améliorer la situation et de redonner espoir aux habitants. C’est notamment le cas d’une dizaine d’entre elles soutenues par l’Union européenne dans le cadre du Programme de gouvernance environnementale de Gabès (PGE). Sensibilisation dans les écoles, créations d’espaces verts, agroécologie, restauration de la faune aquatique : autant de projets pilotes censés montrer une voie de développement durable alternative aux industries polluantes. D’autant plus qu’en dégradant l’environnement ces dernières ne permettent pas à la région de se développer. Gabès affiche le deuxième plus fort taux de chômage de la Tunisie, malgré son potentiel agricole, halieutique et touristique.


Rached Cherif


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Rached Cherif