Tunisie : les droits humains des migrants ne seraient pas respectés selon Amnesty

 Tunisie : les droits humains des migrants ne seraient pas respectés selon Amnesty

Des migrants subsahariens affirment avoir été abandonnés par les autorités tunisiennes dans le désert, près d’Al-Assah, à la frontière libyenne, le 16 juillet 2023. (Photo : Mahmud Turkia / AFP)

Dans un nouveau rapport, Amnesty International pointe une politique migratoire tunisienne qui ne respecte pas les droits humains des personnes migrantes.

 

Arrestations ciblées « sur la base de critères raciaux », « interceptions en mer dangereuses » ou encore « expulsions collectives de personnes réfugiées et migrantes vers l’Algérie et la Libye », la politique migratoire tunisienne pose question selon Amnesty International.

Dans un nouveau rapport publié par l’ONG, les résultats des recherches, basés sur les témoignages de plus d’une centaine de réfugiés et migrants recueillis depuis deux ans, révèlent de graves dérives.

« Les autorités tunisiennes ont présidé à d’horribles violations des droits humains, attisant la xénophobie tout en s’attaquant encore et encore à la protection des personnes réfugiées », dénonce Amnesty.

Expulsions et viols

« Les forces de sécurité tunisiennes ont régulièrement abandonné des migrants, des demandeurs d’asile et des réfugiés, y compris des femmes enceintes et des enfants, dans des zones reculées et désertiques à la frontière du pays avec la Libye et l’Algérie », indique le rapport.

Selon l’ONG, entre juin 2023 et mai 2025, au moins 70 expulsions collectives, concernant plus de 11 500 personnes, ont été constatées. Des personnes migrantes abandonnées au milieu de nulle part, sans eau ni nourriture, privées de papiers d’identité et d’argent.

Par ailleurs, plusieurs cas de viols et de violences sexuelles ont également été rapportés. Des faits qui se seraient déroulés notamment à l’occasion de « palpations ou de fouilles au corps abusives menées de manière humiliante ».

Solidarité criminalisée

Dans un climat peu favorable aux réfugiés et aux personnes migrantes, les membres des ONG qui leur viennent en aide sont également ciblés. Depuis mai 2024, Amnesty a dénombré plusieurs arrestations de personnes travaillant dans les ONG, qu’elle considère comme arbitraires. « Le personnel des ONG et les défenseurs des droits humains détenus pour avoir aidé des personnes réfugiées et migrantes doivent être libérés sans condition », prévenait Heba Morayef, directrice régionale pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient à Amnesty International.

« Hordes » et responsabilité de l’UE

À l’occasion d’un discours aux accents discriminatoires décomplexés, en février 2023, Kaïs Saïed, président tunisien, pointait l’arrivée de « hordes de migrants subsahariens » susceptibles de « changer la composition démographique » du pays.

Une date clé à partir de laquelle la banalisation de tels discours s’est répandue, dans la classe politique notamment. Cependant, mardi 4 novembre, à l’Assemblée des représentants du peuple, le ministre des Affaires étrangères, Mohamed Ali Nafti, a eu une prise de parole plus modérée.

Il affirmait la volonté de la Tunisie d’appliquer un programme de « retour volontaire » des migrants illégaux « dans le respect de la dignité humaine ».

Dans son rapport, Amnesty pointe également la responsabilité de l’UE et de son protocole d’accord avec la Tunisie, dénué de « garanties efficaces en matière de droits humains ».

« L’UE doit suspendre de toute urgence toute aide en matière de contrôle migratoire et de contrôle des frontières dont l’objectif est de retenir des personnes en Tunisie, et cesser de financer les forces de sécurité (…) responsables de violations des droits humains commises contre des personnes réfugiées et migrantes », selon l’ONG.

 

> A lire aussi :

Les flux migratoires en baisse dans les pays de l’OCDE en 2024

Des passeurs jugés pour un naufrage dans la Manche en 2023

Le délit de séjour irrégulier refait surface à l’Assemblée nationale