Tunisie. L’intégration à la fonction publique des diplômés chômeurs devra passer par un concours

 Tunisie. L’intégration à la fonction publique des diplômés chômeurs devra passer par un concours

Le président de la République, Kaïs Saïed, a reçu au Palais de Carthage une délégation représentant les titulaires de doctorat, venus exposer leurs revendications face à un chômage persistant qui frappe durement les diplômés du supérieur. Une réunion à l’issue de laquelle il se disent déçus.

C’est la douche froide pour nombre de haut diplômés chômeurs qui se prévalaient jusqu’ici des promesses présidentielles d’intégrer l’ensemble des environ cinq mille titulaires du doctorat à la fonction publique, notamment au sein de l’enseignement universitaire.

Car lors de cette rencontre, le chef de l’État a tenu à rappeler que le recrutement dans la fonction publique devait reposer avant tout sur le principe du concours, en insistant sur la nécessité de garantir transparence et égalité de traitement entre tous les candidats. « La compétition doit être loyale et équitable », a-t-il en effet martelé, expliquant finalement que toute dérogation à ce principe affaiblirait la crédibilité de l’administration.

Le président a ensuite salué les compétences et la motivation des jeunes docteurs et, plus largement, des diplômés de longue durée confrontés au chômage. Selon lui, leur enthousiasme et leur sens de la responsabilité représentent un atout précieux pour l’État tunisien, qui doit leur ouvrir de nouvelles perspectives. « Ceux qui manquent d’expérience pourront l’acquérir, mais ceux qui cherchent à attiser les tensions, à instrumentaliser leur position ou à maltraiter les agents de l’administration n’ont pas leur place dans le service public », a-t-il averti, dénonçant des comportements assimilés à des « prolongements de lobbies » au sein de certaines structures publiques, un complotisme leitmotiv thématique de Carthage.

 

Epineux dossier inextricable de la contestation sociale

Mais au-delà du problème du chômage des docteurs, Kaïs Saïed a visiblement voulu replacer son discours dans une perspective plus large de son propre programme entrant dans une phase dite de « construction et de consolidation ». Selon lui, la Tunisie a besoin à la fois des « bras » et des « cerveaux » de ses citoyens pour franchir un cap décisif. « Notre patrie est en quête de ses hommes et femmes libres, portés par l’enthousiasme, l’esprit de sacrifice et de don. C’est le passage en force définitif, sans retour en arrière possible », a-t-il affirmé dans une tonalité volontariste.

Ce discours intervient alors que la question du chômage des diplômés, et particulièrement des docteurs, demeure l’un des dossiers sociaux les plus sensibles en Tunisie en cette rentrée scolaire et sociale. Or, depuis plusieurs années, ces derniers multiplient les sit-in et manifestations pour dénoncer l’absence de perspectives d’emploi, dans un contexte économique difficile où l’État peine à absorber de nouvelles recrues, ayant officiellement gelé les recrutements.

En recevant ces docteurs, le président Saïed semble vouloir envoyer un signal d’écoute et de fermeté à la fois : ouverture à de nouvelles solutions pour valoriser les compétences, mais refus catégorique de toute instrumentalisation politique ou corporatiste qui pourrait, selon lui, miner la stabilité des institutions publiques.

Pour Rami Zouari, l’un des docteurs concernés, la désillusion est grande :

« Nous avons été trahis. La montagne a accouché d’une souris. 1 670 postes soumis au concours d’assistant universitaire pour 2025 : on te dit de remplir ton dossier, de le déposer, puis d’attendre qu’on t’appelle… si jamais tu n’es pas éliminé dès la présélection ! Ces 1 670 postes correspondent à peine au nombre de docteurs d’une seule spécialité, comme la physique, la chimie ou la biologie. Le dossier des docteurs a révélé à quel point le président est faible face aux lobbies de l’enseignement familial et face aux professeurs cupides, qui profitent du prolongement après la retraite et des heures supplémentaires. Pourtant, il existe 6 500 postes vacants dans l’enseignement supérieur et la recherche scientifique, tandis que des professeurs du secondaire, sans doctorat, enseignent à l’université comme attachés ou experts de niveau équivalent à un bac +6. On trouve ainsi des « experts » improbables : tel spécialiste de la cornemuse qui enseigne l’animation culturelle à Bir el-Bey, tel autre « expert » dans on ne sait quoi… Des gens titulaires seulement d’une licence ou d’un master enseignent à l’université comme vacataires, mais quand il s’agit des docteurs, on se met soudain à parler de « compétence » […] Certains n’ont même pas un seul article scientifique à leur actif, d’autres n’ont jamais obtenu de doctorat. Une hypocrisie sans nom ! », déplore-t-il.