Fontenay-sous-Bois: la venue du chanteur franco-israélien Amir provoque la colère de certains élus de la ville

 Fontenay-sous-Bois:  la venue du chanteur franco-israélien Amir provoque la colère de certains élus de la ville

L’artiste franco-israélien


La première soirée de la fête de la Madelon à Fontenay-sous-Bois (94) qui commence ce vendredi 9 juin et qui dure trois jours risque d'être hautement perturbée. En cause : un concert gratuit du chanteur franco-israélien Amir, l'ex candidat de The Voice et de l’Eurovision qui aura lieu ce soir au stade Le Tiec à 19h30. Amir Haddad, de son vrai nom, a servi trois ans dans l'armée d'occupation israélienne.


Déjà, en 2016, une pétition intitulée "Je refuse qu’un soldat israélien représente la France au concours Eurovision" avait circulé sur les réseaux sociaux. Nassim Lachelache est maire adjoint chargé de la Politique de la ville et de la réussite éducative à Fontenay-sous-Bois. Il ne comprend pas que sa ville puisse accueillir un tel artiste à l'occasion de cette "fête populaire placée sous le signe de la solidarité". Il nous explique les raisons de son indignation.   


Vous êtes opposé à la venue d'Amir ? 


Oui. Mais je ne suis pas le seul à être opposé à sa venue : le mouvement pour lequel je siège au conseil municipal "Fontenay Citoyen" est lui aussi indigné de voir qu'un tel artiste ait pu être invité dans notre ville. L'Association France Palestine Solidarité  (AFPS), La ligue des droits de l'homme (LDH) ou encore le Mouvement de la Jeunesse Communiste  (MJC) ont également protesté. 


Que lui reprochez-vous au juste ? 


Amir a été soldat de l’armée israélienne coloniale d’occupation pendant trois ans. Il  n’a donc pas sa place dans un événement organisé avec des deniers publics, avec l’argent des Fontenaisiens. Nous ne payons pas des impôts pour nous voir imposer lors d’un concert de solidarité et de rapprochement entre les peuples une personnalité qui porte toutes les valeurs contraires.


En plus d’être soldat, il a mis sa notoriété au profit du projet colonial israélien en collectant des fonds pour l’armée d’occupation qui, ce mercredi a encore bombardé Gaza. Une armée qui occupe illégalement depuis 1967 la Cisjordanie, comme le rappelle tous les jours les Nations Unies.


 Cette armée a fait plus de 2000 victimes, dont 500 enfants, lors de sa dernière offensive à Gaza en 2014. La venue d'Amir va à l'encontre de nos principes et de nos convictions. Je me suis engagé en politique pour justement combattre ce type d’injustice.


Comment avez-vous appris sa venue? 



Assez tardivement, je l'avoue. Je suis récemment rentré de l’étranger. J'ai été interpelé par un habitant de la commune il y a deux jours. Au début, je n’ai pas voulu y croire. Il y a quelques temps, lors des vœux du maire à la jeunesse, nous accueillions à Fontenay-sous-Bois Amal Bentounsi et Assa Traoré. Deux femmes admirables qui ont toutes les deux perdu leurs frères à la suite d’une intervention policière. C’était un moment fort et plein de sens. On ne peut pas d’un côté prôner une chose et de l’autre mettre à l’honneur une personne servant dans une armée coloniale d’occupation. Il y a une incohérence politique grave. 



Que demandez-vous ?


La question est plutôt : "que pouvons nous demander à cette heure-ci ?". Nous sommes à quelques heures de l’événement. Depuis 48h, je demande l’annulation du concert d'Amir. Pour l'instant, en vain. 


A qui avez-vous fait part de votre indignation ? 


Il faut savoir que les élus ne font pas la programmation culturelle à Fontenay-sous-Bois. C’est un principe qui nous est cher. Ce n’est donc ni le maire ni aucun des autres élus qui est à l’origine de la venue d'Amir. Néanmoins il est de notre responsabilité de s’assurer que les artistes qui se produisent prônent des valeurs universelles. 

J’ai bien évidemment fait part de ma colère à l’ensemble de la majorité municipale ainsi qu’au maire. J'ai été étonné que seules deux élues aient répondu à mon courriel d'indignation afin de soutenir ma démarche. J'attends toujours les condamnations des autres partis politiques qui composent notre majorité, à savoir le parti communiste français et Europe Ecologie Les Verts. Un silence particulièrement étonnant quand on connaît le positionnement de ces partis au niveau national et leurs engagements pour les droits du peuple palestinien.


Comment expliquez-vous ce silence ? 


Certains de mes collègues sont tétanisés à chaque fois qu'on aborde ces questions. Pire encore, quelques uns font un dangereux amalgame entre la confession de certains Fontenaisiens et l’idéologie politique sioniste. C’est une méconnaissance criante du sujet que de penser cela. Nous vivons à Fontenay avec des communautés religieuses importantes, juives, chrétiennes et musulmanes. Un groupe interreligieux existe même depuis la première guerre du Golfe. Il favorise le dialogue entre les uns et les autres autour de ce qui les rassemble. C’est avoir une piètre confiance dans les gens que de penser qu’ils ne feront pas la différence entre la lutte contre une idéologie raciste, coloniale et expansionniste et la croyance d’individus en une religion.


Propos recueillis par Nadir Dendoune

Nadir Dendoune