Le combat ordinaire

 Le combat ordinaire


Un premier film touchant sur la difficulté de faire des choix de vie interprété par deux comédiens criants de vérité.


Karim est un boxeur sans le sou, les quelques matchs auxquels il participe ne suffisent pas à le faire vivre. Sa bien-aimée Faten et l’enfant de celle-ci sont ainsi obligés d’habiter chez son frère aîné. Mais quand le mariage est évoqué, Karim se retrouve face à un dilemme. Trouver l’argent pour la cérémonie, un job régulier et un appartement pour sa famille ou continuer la boxe ?


 


Rencontre entre le réel et la fiction


Loin du film de héros façon Rocky, Nous nous marierons, premier long-métrage de Dan Uzan, joue plutôt la carte sensible de la fiction sociale à haute valeur documentaire. Et pour cause, le réalisateur a d’abord tourné un court-métrage documentaire autour des sportifs du club de boxe que lui-même fréquentait, et dont l’acteur principal du film est issu. De même, le personnage de Faten est interprété par une jeune femme que le réalisateur a rencontrée par hasard au pied des bureaux de sa société de production. Fraîchement divorcée, elle portait avec elle son enfant.


Comme dans le film, tout cela se passe à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine) et les deux apprentis comédiens s’appellent réellement Karim et Faten. Comme souvent, la rencontre organisée entre le réel et la fiction produit de beaux éclats. L’un des fils narratifs tendus par le film est celui de la blessure que Karim s’occasionne au tout début lors d’un match. Une blessure qui l’empêche de reprendre les gants (très peu de scènes de boxe sont à voir) et qui permet du même coup d’ouvrir les autres interrogations portées par la relation entre les personnages.


 


Désenchantement masochiste


La métaphore du boxeur joue ici à plein. Karim doit à la fois se battre pour son rêve (devenir boxeur professionnel) et contre des principes de réalité qui lui échappe. La scène où il demande un prêt bancaire, alors qu’il ne peut aligner que de très maigres revenus, et celle où, avec ­Faten, il visite un appartement, alors que leur dossier ne tient pas la route, sont cruelles de vérité. Le manque d’argent joue ainsi le fil rouge pour dénoncer en quoi la richesse matérielle veut régenter le monde. Mais le désenchantement masochiste que Karim se sent obligé de suivre pour se conformer au moule de la société (une femme, un boulot, un appartement) fait peine à voir tellement il semble irresponsable et à côté de la plaque.


C’est aussi la force de ce petit film que de confronter valeur morale et jugement du spectateur. La scène finale que nous ne dévoilerons pas laisse ainsi à penser que rien n’est vraiment tout à fait résolu pour les personnages et que la vie, heureuse ou malheureuse, demeure comme on le sait un combat permanent. 


 



Un film français 
de Dan Uzan. 
Avec Karim 
El Hayani et 
Faten Kesraoui. 
Durée : 1 h 16.


MAGAZINE FEVRIER 2017

Abdessamed Sahali