Burkini : des maires maintiennent leurs arrêtés malgré la décision du Conseil d’État

 Burkini : des maires maintiennent leurs arrêtés malgré la décision du Conseil d’État

Plusieurs maires ont décidé de maintenir leurs arrêtés anti-burkini dans un contexte de surenchère politique et de dérive policière.


Le Conseil d'État a suspendu vendredi 26 août l'arrêté anti-burkini pris par la commune de Villeneuve-Loubet (Côte d'Azur) et souligné avec insistance que toute interdiction de ces tenues de bain islamiques très couvrantes devait s'appuyer sur des « risques avérés » pour l'ordre public. La décision de la plus haute juridiction administrative française est aussi censée rappeler à tous les maires qui ont invoqué le principe de laïcité qu'ils ne peuvent se fonder sur « d'autres considérations » que l'ordre public.


 


Un arrêt qui ne clos pas le débat


La décision a été rapidement saluée par les défenseurs des droits humains et certains politiques majoritairement de gauche, mais aussi vivement décriée par l’opposition, dont plusieurs ténors appellent à légiférer contre le burkini. Mais, le débat n’est pas fini, y compris au sein du gouvernement. À l’international, c’est avec un mélange d’étonnement et de consternation qu’est suivie la polémique française sur ce maillot de bain dit islamique.


La justice française a « l'occasion d'annuler une interdiction discriminatoire qui se fonde sur, et qui nourrit, les préjugés et l'intolérance », avait estimé dans un communiqué John Dalhuisen, directeur du programme Europe d'Amnesty International. Face aux « passions » politiques, « vous devez être la boussole qui indique le chemin des libertés », avait réclamé l'avocat de la Ligue des droits de l'homme (LDH), Me Patrice Spinosi, jeudi lors de l'audience au Conseil d'État. La LDH et le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF) demandaient non seulement la suspension de l'arrêté, mais aussi une grande décision de principe consacrant la liberté de religion. Me François Pinatel, l'avocat de Villeneuve-Loubet, ville proche de Nice, avait plaidé le souci de l'ordre public dans le « cas particulier » d'une commune sous tension à la suite des attentats.


 


Maintien de plusieurs arrêtés


Plusieurs maires, dont ceux de Nice (Alpes-Maritimes) et Fréjus (Var), ont annoncé vendredi soir maintenir leurs arrêtés anti-burkini, malgré la décision du Conseil d'État. La mairie de Sisco (Haute-Corse) maintient aussi son arrêté « anti-burkini », pris au lendemain d'une violente rixe entre des Marocains de Furiani et des villageois dans sa commune mi-août.


Dans les Alpes-Maritimes, le maire de Mandelieu-la-Napoule, première commune à avoir adopté un tel arrêté en 2013, assure vendredi soir dans un communiqué vouloir maintenir son application. Le maire rappelle avoir pris cet arrêté suite à des affrontements sur une plage « entre des personnes qui se baignaient habillées et d'autres qui leur demandaient de quitter le plan d'eau ».


Le maire FN de Fréjus, David Rachline, estime quant à lui que « l'arrêté de Fréjus est toujours valable ». « Aucune procédure n'est en cours contre notre arrêté », a-t-il affirmé, rappelant que le texte court jusqu'au 12 septembre. Comme Christian Estrosi, le président LR de la région PACA et de la métropole Nice Côte d'Azur, David Rachline « milite pour que la loi soit modifiée ».


En revanche, d’autres maires ont décidé de retirer leur arrêté. C’est le cas de Stéphane Cherki (DVD), maire d'Eze dans les Alpes-Maritimes, qui a annoncé l’annulation de son arrêté « par respect du Conseil d'État », et du maire DVD de Cagnano (Haute-Corse), Albert Mattei. « J'avais peut-être été un peu vite, car, personnellement, j'ai fait cet arrêté pour défendre la liberté des femmes, mais on constate que beaucoup de gens demandent à pouvoir le porter », explique-t-il.


 


Surenchères politiques


Le débat avait été marqué par les surenchères politiques et des dérives dans l’application des arrêtés en question. Tout en désapprouvant le burkini, la ministre de l'Éducation Najat Vallaud-Belkacem avait estimé que « la prolifération » des arrêtés n'était « pas la bienvenue », tandis que sa collègue de la Santé, Marisol Touraine, y voyait une « stigmatisation dangereuse pour la cohésion de notre pays ». 


Ces arrêtés « ne sont pas une dérive » avait rétorqué le premier ministre Manuel Valls, pour qui il n'est toutefois pas question de légiférer. Nicolas Sarkozy, candidat à la primaire de la droite, voulait au contraire inscrire dans une loi l'interdiction des signes religieux dans les entreprises, les administrations, les universités. Le Front national avait dans la foulée demandé d'étendre à l'ensemble de l'espace public l'interdiction du port du voile.


Rached Cherif

Rached Cherif