Gaza. Annihiler l’école

Des jeunes Palestiniens inspectent les décombres d’un bâtiment scolaire détruit la veille par une frappe israélienne à Gaza, le 10 septembre 2025. (Photo par Omar AL-QATTAA / AFP)
Face à l’offensive israélienne qui s’intensifie à Gaza, tout le monde se focalise sur le nombre de morts au kilomètre carré, oubliant malheureusement un autre génocide qui se joue dans l’arrière-cour, car les soldats de Tsahal semblent trouver un malin plaisir à viser les enfants et les jeunes Palestiniens, tout en mettant à rude épreuve un système d’enseignement déjà moribond depuis des décennies, mis à mal aussi bien par la destruction systématique des écoles que par la famine imposée aux familles qui n’ont plus d’alternatives que d’envoyer leurs enfants à la recherche d’une hypothétique bouchée de pain.
Cette année encore une fois, il n’y aura pas de rentrée des classes en Palestine occupée. Pas de joie pour les enfants de Gaza, pas d’angoisse pour les parents de l’enclave pour acheter les fournitures scolaires, pas de stress pour les maîtres d’école. Israël, l’Amérique en ont décidé autrement.
La difficulté à prendre en compte, dans l’économie de la guerre, le coût des pertes humaines ne concerne plus la guerre contre Gaza à partir du moment où toutes les instances internationales, les chercheurs, les gouvernements et même les personnalités juives sont d’accord pour qualifier de génocide les crimes de guerre commis par la bande de Netanyahou avec la complicité de l’Amérique et des pays occidentaux sur une population palestinienne civile désarmée.
Mais derrière ces exactions se cache une guerre encore plus sale qui vise en même temps à tuer la mémoire des lieux, les traces d’une présence palestinienne séculaire et, plus grave encore, l’avenir de ces populations en tuant dans l’œuf le dynamisme d’une population connue pour posséder un des taux d’alphabétisation les plus élevés dans le monde.
En parallèle au génocide, ce « scolasticide » se déroule selon un scénario implacable : d’après le témoignage des rares journalistes encore sur place en Palestine, à Gaza il n’y a plus aucune école encore debout pour accueillir un semblant d’enseignement sur place.
Même si l’ONU parle de 97 % des établissements d’enseignement de Gaza détruits ou endommagés par les bombardements de l’État hébreu, avançant le nombre de 15 000 jeunes en âge d’être scolarisés qui ont été tués, nos sources sur place parlent d’une situation chaotique où le nombre des enfants exterminés par les soldats de l’armée « la plus morale du monde » dépasse de loin cette évaluation, car des milliers d’enfants sont toujours portés disparus, leurs corps probablement ensevelis sous les ruines.
En tout état de cause, les images satellites fournies par le Centre satellitaire des Nations unies (UNOSAT), en date du début août 2025, font état de bâtiments scolaires qui ont été endommagés depuis le début de la guerre. Selon l’UNOSAT, plus de neuf écoles sur dix, y compris celles de l’UNRWA, devront être entièrement reconstruites ou faire l’objet de lourds travaux de réhabilitation pour redevenir fonctionnelles.
D’après la même évaluation, 432 bâtiments scolaires, soit 76 % du total à Gaza, ont été directement touchés depuis le 7 octobre 2023, et l’évaluation précise également que près de 91,8 % des écoles de Gaza (518 sur 564) nécessiteront soit une reconstruction complète, soit une réhabilitation majeure pour redevenir fonctionnelles.
S’il y a des jeunes qui survivront aux bombes, à la famine, à la soif et aux épidémies causées par le blocus israélien, ils devront se résigner à ne trouver aucune structure scolaire en mesure de les accueillir, sachant que le déluge de feu des bombes américaines fournies gracieusement à Israël a visé dès le début les bâtiments scolaires, commençant par les établissements du supérieur qui ont été ensevelis dès les premiers mois de la guerre.
Tout le monde a suivi le bombardement systématique de grandes universités comme celle d’Al-Israa, située en plein centre de Gaza, disparue sous les décombres, ainsi que le musée archéologique qui faisait sa fierté.
La foi en un combat juste a néanmoins poussé le ministère de l’Éducation palestinien à lancer, en octobre 2024 à Ramallah, l’application en ligne Wise School, qui donne la possibilité de passer le baccalauréat en 2025. Mais comment préparer son bac dans un espace exigu privé d’électricité et d’Internet stable ?
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Pourquoi Israël procède-t-il à l’anéantissement méthodique du système éducatif palestinien ? Vaste programme. Il faut juste savoir que depuis des décennies, la défaite des armées arabes face à Israël a fait que la plupart des pays arabes se sont résignés face à cette hégémonie, d’autant plus qu’ils comprennent bien qu’en réalité Israël n’est que le chien de garde de l’hégémonie américaine.
Mais le 7 octobre est venu bousculer les plans de l’État hébreu, qui comptait faire disparaître ce peuple petit à petit en empoisonnant son quotidien. En s’attaquant notamment aux femmes enceintes, aux enfants, aux élèves, détruire l’enseignement, c’est accélérer la disparition d’un peuple.
Et, dans cette géographie diabolique, les sionistes considèrent le Palestinien comme le dernier rempart issu du monde « arabe », représentant des musulmans, un peuple porteur d’une culture dont on ne peut effacer la trace. Les jeunes Palestiniens, très instruits, conservent, enrichissent et font ainsi connaître et transmettre fidèlement cet héritage. Une culture palestinienne qui joue un rôle important dans l’identité de ce peuple et représente un pont pour tous les Palestiniens qui défendent leur patrie.
La Palestine a été l’objet de convoitises diverses, des Babyloniens aux Perses, en passant par les Grecs, les Romains ou encore les Croisés. Mais aucun de ces occupants n’a tenté de s’attaquer à son patrimoine architectural et à sa culture. Désormais, c’est le colon israélien qui travaille à faire disparaître la culture palestinienne, en essayant d’effacer les traces d’un passé glorieux en ciblant plus précisément les écoles, les cimetières, les mosquées.
