Jazzablanca 2025 : Casablanca devient une scène à ciel ouvert

Côté marocain, de Oum, grande voix féminine aux multiples facettes, à Hamid El Kasri, figure emblématique de la tradition gnaoua
Du 3 au 12 juillet, Casablanca va vibrer. Et cette année, ce ne sera pas seulement au rythme du jazz, mais à celui d’un festival, Jazzablanca 2025, qui bouscule ses propres codes.
Pour sa 18ᵉ édition, ce festival entame une mue profonde, s’extirpant des scènes fermées et des places assignées pour aller vers ce que beaucoup de festivals rêvent de faire sans toujours l’oser : se fondre dans la ville, l’habiter, la transformer, et surtout, la partager. Cette année, plus qu’un événement, Jazzablanca devient donc une expérience urbaine, une grande fête populaire qui investit les rues, les parcs, les artères emblématiques et les lieux de vie des Casablancais. Une édition qui ne se contente pas de programmer, mais qui imagine la culture comme un mouvement, un flux qui irrigue la ville et l’invite à respirer autrement.
Quand la musique s’invite dans l’espace public
C’est sans doute le virage le plus audacieux de cette édition : Jazzablanca sort de ses murs. Finies les frontières entre les scènes payantes et la ville silencieuse en arrière-plan. Le festival investit massivement l’espace public, et avec lui, une idée forte : la culture appartient à tout le monde.
Imaginez-vous flâner dans le Parc de la Ligue Arabe un soir d’été, quand soudain les notes d’un guembri électrique surgissent des arbres, portées par une énergie brute et solaire. C’est exactement ce que propose la nouvelle scène « Nouveau Souffle », installée en plein air dans ce poumon vert du centre-ville. Une scène gratuite, ouverte, sans barrières ni files d’attente, qui sera le théâtre de quatre soirées exceptionnelles (4, 5, 11 et 12 juillet), entièrement consacrées à la scène marocaine émergente.
« Nouveau Souffle » : quatre nuits pour redessiner la musique marocaine
C’est Daraa Tribes qui ouvrira le bal le 4 juillet avec sa fusion étonnante entre les rythmes ancestraux du désert et l’énergie rebelle du rock. Une rencontre des extrêmes qui fonctionne avec une évidence désarmante.
Le lendemain, samedi 5 juillet, Mehdi Qamoum, alias Medicament, prendra le relais. Véritable alchimiste sonore, il convoque la tradition gnaoua pour la faire dialoguer avec le jazz et le funk, créant un langage musical hybride, profondément ancré dans le Maroc d’aujourd’hui.
Le 11 juillet, Anas Chlih Quintet proposera un jazz marocain décomplexé, ouvert sur le monde mais fier de ses origines. Une musique exigeante et généreuse, portée par une formation de haut vol.
Enfin, Soukaina Fahsi clôturera cette série le 12 juillet. Sa voix, capable de traverser les registres et les cultures, incarne à elle seule cette jeunesse qui fait le choix du métissage, de la profondeur et de l’authenticité. Chez elle, le flamenco andalou rencontre les mélodies sahariennes, et les racines marocaines s’élèvent vers l’universel.
Glen David Andrews, ou comment faire danser la ville
Du 3 au 12 juillet (à l’exception du 6, 7, 8 et 9), une fanfare menée par Glen David Andrews, tromboniste et chanteur légendaire de La Nouvelle-Orléans, déambulera dans Casablanca. Ce musicien charismatique, à l’énergie aussi communicative que sa voix est puissante, reproduit dans les rues marocaines l’esprit des « second lines », ces défilés typiques de la Nouvelle-Orléans où la musique fusionne avec la foule.
Pendant six jours, trois parcours emblématiques – de la Corniche d’El Hank au centre-ville, en passant par Ain Diab – seront le théâtre de ces moments de liesse spontanée, où jazz, funk, gospel et énergie urbaine se mêlent sans filtre. C’est peut-être là que réside la plus belle réussite de cette édition : faire tomber les barrières entre l’art et la vie quotidienne, entre les artistes et les habitants, et faire naître cette surprise joyeuse qui transforme la ville en fête.
Anfa Park : le prestige reste au rendez-vous
Si Jazzablanca s’ouvre au plus grand nombre, le festival n’oublie pas ses grandes scènes. Anfa Park reste le cœur battant du prestige musical. Cette année encore, la programmation internationale donne le vertige :
- Seal, et sa voix de velours
- Kool & The Gang, légendes vivantes du funk
- Black Eyed Peas, machines à tubes survoltées
- Macklemore, rappeur engagé au flow contagieux
- Ibrahim Maalouf, virtuose de la trompette et maître des passerelles musicales
- Nubya Garcia et Ezra Collective, fers de lance de la scène jazz britannique nouvelle génération
Côté marocain, de Oum, grande voix féminine aux multiples facettes, à Hamid El Kasri, figure emblématique de la tradition gnaoua, en passant par Mehdi Nassouli et le collectif Aïta Mon Amour, qui réinvente avec panache les chants populaires ancestraux, le Maroc joue ici à domicile avec brio.
Mais ce qui fait la magie d’Anfa Park, ce n’est pas seulement la programmation. Zones de détente ombragées, scénographies immersives, street food aux mille senteurs, chill areas où l’on refait le monde entre deux concerts : chaque recoin est pensé pour accueillir, rassembler, faire dialoguer.
Une ambition culturelle pour toute une ville
Jazzablanca 2025 porte en lui un projet plus vaste que le simple fait musical. C’est une édition manifeste, un plaidoyer en actes pour une culture vivante, partagée, qui sort des cercles habituels pour irriguer les quartiers, toucher les passants, dialoguer avec le quotidien.
Faire de la ville une scène, de la culture un bien commun, voilà l’ambition portée par cette édition. Une ambition d’autant plus précieuse dans une époque où l’on mesure, plus que jamais, combien l’art peut rapprocher, rassembler, ouvrir.
Du 3 au 12 juillet, Casablanca ne sera pas seulement le théâtre d’un grand festival. Elle sera elle-même une œuvre à ciel ouvert.
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