La Tunisie est-elle envisagée comme potentielle terre d’exil pour des cadres du Hamas ?

D’après les informations rapportées par i24, des pourparlers seraient en cours pour organiser le départ de responsables du Hamas hors de Gaza
Evoquée une première fois dans les milieux du renseignement et les médias dits alternatifs, l’information fut ébruitée au lendemain de la visite du ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, reçu à Tunis par le président de la République Kais Saïed, puis par le ministre tunisien des Affaires étrangères, Mohamed Ali Nafti, pour une visite de travail les 10-11 septembre 2025. Mais ce qui n’est plus qu’une simple rumeur est aujourd’hui relayé par les médias israéliens.
La visite faisait suite également à une autre actualité majeure, celle du bombardement par Israël du Qatar visant en vain le leadership du Hamas en plein processus de négociations. Le site Entrevue s’interrogeait alors autour d’un « voyage officiel aux objectifs cachés ? » :
« Officiellement, la rencontre entre le ministre iranien et Kaïs Saïed avait pour but de renforcer la coopération bilatérale entre l’Iran et la Tunisie. Les discussions portaient notamment sur le commerce, la santé et la coopération culturelle. Mais selon plusieurs sources proches du dossier, des négociations parallèles auraient concerné le transfert de la direction politique du Hamas », écrivait Jérôme Goulon qui affirme que l’entremise de Téhéran impliquerait l’usage de passeports iraniens.
Dimanche soir, c’était au tour du média israélien généralement bien renseigné i24 d’employer le ton de l’assertion et non plus celui du conditionnel : « Des négociations secrètes impliquant les États-Unis, Israël, l’Iran et d’autres pays visent à transférer des cadres du Hamas de Gaza vers la Tunisie », titrait-il, citant des sources occidentales.
Quels seraient les bienfondés d’un tel choix ?
Selon une hypothèse d’ordre stratégique, ce n’est pas la première fois que la Tunisie anciennement parfois appelée « la Suisse du monde arabe », serait considérée comme un sanctuaire pour des parties belligérantes, d’autant qu’en l’occurrence le président Saïed, qui affiche ouvertement sa proximité avec le pouvoir iranien ainsi qu’avec la cause palestinienne, aurait à cœur de se donner une dimension géopolitique et historique à mi-mandat.
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Toutefois, si l’info venait à être confirmée dans les prochaines semaines, la Tunisie romprait paradoxalement avec sa tradition diplomatique de lieu de neutralité, en raison du contexte contemporain de la radicalisation de la résistance palestinienne à l’aune des exactions que le peuple gazaoui subit et du pourrissement de la situation au Proche-Orient.
Si le projet rappelle l’épisode des années 1980, lorsque Yasser Arafat et l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) avaient accueillis à Bizerte pour s’exiler, la perspective d’être un hôte du Hamas suscite déjà des tensions en Tunisie au sein de l’intelligentsia du pays meurtri en 1985 par l’opération « Jambe de bois » lorsqu’un raid israélien meurtrier avait ciblé la banlieue sud de la capitale Tunis.
Les risques diplomatiques et sécuritaires d’un tel transfert ne sont donc pas négligeables quand bien même les Etats-Unis et Israël seraient « consultés », et ce en raison notamment de la capacité décomplexée d’Israël à ne pas respecter ses engagements éthiques quels qu’ils soient.
En se plaçant comme un interlocuteur pour l’Iran et la Palestine, la Tunisie renforce certes sa stature diplomatique dans le monde arabo-musulman, mais avec pour conséquence le prix à payer d’une exposition à un pouvoir israélien débridé, comme le montrent récemment les sérieux soupçons de sabordage de la flottille Al-Soumoud au port de Sidi Bou Saïd.
En attendant s’en savoir plus, signe que le rapprochement Tunis-Téhéran voit les choses en grand, la visite du dignitaire iranien la semaine écoulée a déjà débouché sur deux décisions de taille : l’ouverture d’une ligne aérienne directe et la suppression des visas pour les ressortissants iraniens.
